Protéger les majeurs vulnérables -Quelle place pour les familles ? de Karine Lefeuvre et Sylvie Moisdon-Chataignier
Société inclusive
Aujourd’hui en France, en raison d’un handicap, de la vieillesse ou de l’exclusion, 800 000 personnes majeures font l’objet de mesures de protection (curatelle, tutelle, mandat de protection…), rappellent Karine Lefeuvre professeur à l’École de hautes études en santé publique (EHESP), directrice adjointe du département des sciences humaines et sociales, membre du laboratoire « Institut de l’Ouest : droit et Europe » (IODE, UMR 6262), et Sylvie Moisdon-Chataignier, maître de conférences, présidente de l’Association pour la diffusion et la connaissance du droit dans le secteur social, médico-social et éducatif (ADICOD), du même laboratoire de recherche. Près de la moitié des mesures de protection sont assumées par les familles, dont le rôle essentiel a été reconnu par la loi du 5 mars 2007. Mais la transformation des structures familiales, en plus des situations d’éloignement, complique les mesures de protection. Parfois, la légitimité des familles quant à la protection de leur parent doit être interrogée. Les deux juristes publient un ouvrage qui permet de découvrir toute la palette des modalités de protection des majeurs. « Des professionnels du soin, du droit ou de l’aide sociale, des proches de majeurs protégés soulignent de façon exemplaire les avancées et les difficultés qu’ils rencontrent qu quotidien pour atteindre leur objectif commun : protéger les personnes vulnérables et les familles. » Dans la préface de l’ouvrage, Anne Caron-Déglise, magistrat, pose la problématique : « c’est souvent lorsque la personne n’a pas de famille que naît le besoin d’une protection. Mais la personne elle-même, fragilisée par les altérations qu’elle présente, peut-elle vraiment toujours élever la parole pour demander une protection et à qui peut-elle s’adresser ? La subsidiarité de l’intervention de la collectivité publique, et en particulier du juge, ne présente-t-elle pas aussi des risques au regard des droits fondamentaux, de la dignité et du respect de l’autonomie des personnes ? Les familles veulent-elles toujours assumer le rôle de protecteur, officiellement ou non, et le peuvent-elles ? Se questionnent-elles suffisamment sur les besoins et sur les volontés réelles de celui qu’elles accompagnent ? Peuvent-elles dépasser ce qui, dans leur histoire passée ou dans leur vie présente, les oppose à leur parent affaibli ou entre leurs membres ? Ce sont autant de questions posées au quotidien qui se résolvent encore trop souvent par des rapports de force au détriment de la personne vulnérable. » Pour la magistrate, « les professionnels de l’accompagnement social et médico-social, ceux du soin et ceux de la protection juridique ont un rôle à jouer pour apaiser ces tensions en proposant des solutions adaptées d’abord aux personnes elles-mêmes, à partir d’une évaluation pluridisciplinaire de la situation comprenant une analyse des liens et des soutiens dont la personne peut bénéficier. Cela suppose un effort de compréhension mutuelle et d’ouverture aux compétences acquises dans d’autres champs. Cela suppose aussi un questionnement permanent et une véritable démarche pour faire respecter effectivement les droits des personnes et promouvoir, autant qu’il est possible, leurs capacités. De telles pratiques existent sur les territoires et des travaux ont été lancés pour rapprocher les professionnels et les familles, et proposer des solutions d’information, d’accompagnement et de soutien. »
Lefeuvre K et Moisdon-Chataigner S (coord.). Protéger les majeurs vulnérables – Quelle place pour les familles ? Rennes : Presses de l’EHESP. 16 juin 2015. 254 p. ISBN : 978-2-8109-0374-0. http://fr.calameo.com/read/004146568b897150a26db (extraits).