Alzheimer, ma mère et moi, de Chantal Bauwens
Société inclusive
« Pas un mois ne passe sans un nouvel article ou reportage sur la maladie d’Alzheimer, pathologie galopante qui s’invite dans les familles sans distinction de sexe ni de milieu et ce nouvel ami au joli prénom d’Aloïs n’en est pas un », écrit sur son blog l’essayiste belge Chantal Bauwens. « Il a plutôt le rôle du vilain amant pervers qui s’incruste dans un étrange ménage à trois peu agréable et à l’issue certaine : comme dans un thriller à la fin cousue de fil gris, l’un des protagonistes y laissera la vie, l’autre sa santé mentale et physique et le troisième aura insidieusement gagné la guerre des nerfs. De nombreux ouvrages parlent de la maladie d’Alzheimer en abordant le point de vue clinique. Dans “Alzheimer, ma mère et moi”, j’ai raconté, mois après mois, la maladie du côté du valide, de l’aidant proche. De l’ascendant qui devient malgré lui le parent de son géniteur et que rien n’a préparé à devoir assumer sa mère ou son père comme un enfant à l’âge où ses propres gosses quittent le nid. La place du milieu est rarement la meilleure. Fille ou fils de, mère ou père de, qui sommes-nous à ce moment-là ? Celle ou celui qui assume en s’effaçant. Soigner, habiller, gronder, rassurer, rattraper, secouer la mémoire, répéter jusqu’à l’écholalie et pour rien, car le cerveau n’imprime plus comme si la cartouche d’encre était arrivée en bout de course, c’est le rôle de l’aidant malgré lui. La machine crachote, saute une ligne sur deux et mélange les couleurs : le noir du désespoir, le rouge de la colère, le vert de l’abandon, le rose de l’amour filial, le bleu du rêve d’un avenir meilleur sans Lui, le malade, ancien papa, ancienne maman habité par un E.T. [l’extra-terrestre] peu sympathique qui va aussi grignoter notre vie pour quelques mois, quelques années. ” Chantal Bauwens ajoute : « “celui qui aide” (qui adjuvat en latin quand on ne l’a pas perdu en route parce que nos propres neurones grillent de fatigue) aimerait juste que les autres comprennent qu’il n’a pas quatre bras pour assumer des journées de quarante-huit heures en s’épuisant chaque jour un peu plus. Et quand le jour noir arrivera, emportant l’aimé pour toujours, qui ramassera l’aidant épuisé, au bord de la dépression, souffrant de maux dans sa chair ou son psychique, lessivé comme un vieux linge usé ? Pour mieux aider nos proches, il faut rester nous-même en bonne santé et faire appel à des professionnels de la santé. D’accord, mais ce n’est pas toujours possible ni facile de céder sa place à des inconnus, de conduire maman-enfant à l’école de la vieillesse. »
www.huffingtonpost.fr/chantal-bauwens/aidant-parents-alzheimer_b_8195032.html, 28 septembre 2015. Bauwens C. Alzheimer, ma mère et moi. Août 2008. Waterloo : Les Éditions de l’Arbre. ISBN : 978-2-930757-35-3.