Le deuil blanc, de Jean Biès
Société inclusive
La Société Alzheimer du Centre du Québec rappelle que « le deuil blanc diffère du deuil qui suit le décès, car sa résolution complète est impossible tandis que la personne est encore en vie. Mais cette ambiguïté et les sentiments de toutes sortes associés constituent une expérience commune et prévisible pour tous les aidants qui accompagnent une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée. » Dans un ouvrage-témoignage intitulé justement Le deuil blanc etdédié « à la mémoire de celle qui n’avait plus de mémoire », l’écrivain et poète Jean Biès écrit : « des quatre années durant lesquelles ta maladie, retroussant tout scrupule, se mettait au travail, tandis que j’apprendrai, à force d’erreurs et de maladresses, le métier pour lequel l’étais le moins fait, je ne me sens pas le courage de parler. On m’initia à un langage qui me parut venir du fond de la préhistoire, sonnant dans un cliquetis de syllabes métalliques comme : dégénérescence neurofibrillaire, dépôts amyloïdes… (…) Tout se disloquera patiemment, et les belles constructions de l’intelligence, dressées dans la rotondité du crâne comme palais de cristal sous la voûte céleste, s’effriteront en décombres. (…) Pour le restant de nos jours, nous aurions l’assurance qu’une ombre s’interposerait, qui ne se ferait jamais porter absente de la fête ; que toute vraie joie plénière serait derrière nous, qu’un réel immédiat, étriqué, sans concession, serait notre ligne de crête et d’horizon. » « Je t’ai sentie loin. Un monde indéfinissable nous séparait. Je te regardais en me disant : celle à laquelle j’aurai le plus spontanément confié ma détresse, celle qui aurait pu le mieux me comprendre et m’aider, était devenue la dernière à laquelle je pouvais tenter de faire la moindre confidence. Il n’y en avait pas d’autres, et il n’y en aurait plus jamais d’autres. (…) Avec une légère confusion qui t’as fait te passer du rouge à ongles sur les lèvres, tu m’as dit : “c’est bien de mourir de son vivant”. »
Biès J. Le deuil blanc. Journal d’un accompagnement. Hozhoni. 10 septembre 2015. 165 p. ISBN 978-2372410168. www.infirmiers.com/profession-infirmiere/la-librairie-de-la-profession-infirmiere/memoire-celle-qui-avait-plus-memoire.html, 25 septembre 2015. www.lemondedetheo.fr, 10 septembre 2015.