La voix des pairs
Société inclusive
Irène Sipos et Isabelle Donnio, fondatrices du Bistrot mémoire de Rennes, sont parties en voyage d’étude à Stockport (Royaume-Uni), grâce au soutien du programme EFID (European Fondations’ Initiative on Dementia, une initiative de cinq fondations européennes à laquelle participe la Fondation Médéric Alzheimer). Elles y ont été reçues par le réseau EDUCATE (People with dementia raising awareness), qui organise des campagnes de sensibilisation à la maladie menées par les personnes malades elles-mêmes. « Lors de nos précédentes rencontres, mais aussi grâce aux colloques et sources Internet, nous avions déjà remarqué l’avance prise par les anglo-saxons pour faciliter l’expression des malades », écrivent-elles. « Notre immersion pendant deux jours avec ces témoins qui ont développé leurs capacités et mis en place un véritable accompagnement de pairs renforce notre conviction : nous devons entendre la voix des personnes qui vivent au quotidien avec ces pathologies démentielles, ce que tous acceptent de nommer dementia sans honte. Nous avions déjà entendu au Bistrot mémoire de Rennes des proches aidants parler des effets bénéfiques de l’arrivée de telles pathologies dans leur vie, de couple, familiale, saisissant ainsi une opportunité de revisiter leurs projets, leurs priorités, et ce dès 2006. Là, ce sont les malades eux-mêmes qui disent comment leur trouble les transforme positivement et combien ils prennent plaisir à cette vie avec la maladie, même si c’est parfois compliqué. L’humour et les rires sont tellement présents, les échanges spontanés, les conversations enthousiastes, avec des accompagnateurs et proches bienveillants, juste présents en soutien, presque en retrait, dans une posture de respect permanent et de priorisation de la parole de la personne atteinte de démence. Nous avons mesuré le poids des mots une fois de plus, et combien certains mots sonnent bien en anglais ou n’ont pas les mêmes connotations ou représentations qu’en français. » Irène Sipos et Isabelle Donnio proposent aujourd’hui le nom d’”ambassadeurs” pour désigner ceux que les Belges nomment “les battants” et que les Anglais nomment “the educaters” pour parler de ces personnes qui vivent avec la maladie d’Alzheimer ou une démence vasculaire, en insistant pour dire qu’ils “vivent AVEC” et non pas qu’ils “souffrent de”. Nous devons réaliser un véritable changement de paradigme, de vision, afin que ces personnes, et particulièrement celles tout juste diagnostiquées, puissent bénéficier d’un endroit pour exprimer leurs craintes autant que leurs aspirations, avec des pairs en expérience. Ces personnes vivent avec les troubles de la mémoire, du langage ou de reconnaissance, ou encore des difficultés dans la réalisation des gestes plus fréquents chez les malades jeunes tandis que le langage est préservé … et ils peuvent recevoir l’aide de ces pairs pour aménager leurs projets et ainsi poursuivre une vie telle qu’ils souhaitent la vivre. »