Entrée et accueil en établissement : la place des familles (2)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
22 septembre 2015

Pour Philippe Thomas, médecin coordonnateur, psychiatre et gériatre de l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Les Jardins de Cybèle à Poitiers, « le plus souvent, l’entrée en EHPAD n’est pas désirée par la personne âgée, même si elle s’y résigne. Les difficultés ne sont pas appréhendées et analysées de façon identique par les personnes âgées et leur famille. Une méta-analyse récente portant sur sept cent cinquante mille personnes âges en établissement montre que les principaux facteurs impactant le risque de rupture du domicile sont plutôt d’ordre médical pour les personnes âgées et d’ordre médico-social pour les familles. La démence en particulier, qui associe des troubles de la mémoire, des altérations du jugement et la réduction progressive des activités instrumentales de la vie quotidienne, est la première cause médicale de l’entrée en EHPAD. La seconde raison porte sur le nombre de pathologies chroniques dont souffre la personne âgée, et le nombre de lignes thérapeutiques de son ordonnance. La santé (notamment la santé mentale) de l’entourage familial et sa faible résistance face aux pertes d’autonomie de la personne aidée à domicile, est le troisième facteur, volontiers associé à une précarité sociale croissante et une perte progressive de la qualité de vie de la personne âgée comme de la famille. La solitude des aidants à domicile et l’absence d’aide formelle [aide professionnelle rémunérée] constituent une cause importante, s’ajoutant aux facteurs précités. Nombre d’autres éléments interviennent, tels que l’âge de l’aîné, sa solitude, les difficultés d’accès au logement, les moyens financiers mobilisables ou la volonté de transmettre un bien, l’absence de service à la personne à son domicile… » La sollicitation de l’institution par les familles se fait souvent dans un climat de crise. « L’anticipation de l’entrée est dans les esprits de la personne âgée comme dans ceux de sa famille, mais se manifeste rarement dans les faits, bloquée par les peurs de ce qui va être incontournable », avec un « sentiment de perte de maîtrise de la famille, son impuissance de “ne rien pouvoir y faire”», le vécu de l’atteinte de l’intimité de la famille, et l’échec de l’accompagnement qui n’a pas permis d’éviter la perte du domicile.  En réaction, le nouvel environnement peut être vu comme une « institution totalitaire » par les familles, perplexes devant un système qu’elles ne comprennent pas. Face à la perte de leur rôle d’acteur du soin affectif, à leur impression de ne pas être comprises à leur tour, elles ont une perception d’une toute-puissance du système soignant. La réciprocité joue ici à plein, les soignants se plaignant de la toute-puissance des familles et de l’incompréhension qu’elles ont de leurs difficultés, alors que les professionnels font de leur mieux au chevet des résidents. »

Thomas P et al. La qualité de l’accueil en EHPAD d’une personne âgée. Rev Gériatr 2015 ; 40 (7) : 417-426. Septembre-octobre 2015. www.revuedegeriatrie.fr.