Jusqu’où ?

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
19 décembre 2015

« Les assistants de service social sont très fréquemment confrontés à l’incompréhension de la personne atteinte de troubles cognitifs lorsqu’il faut lui expliquer pourquoi la mise en place d’une aide à domicile ou l’accueil en établissement apparaissent souhaitables au regard de l’évolution de sa maladie », rappelle la juriste Alice Coquelet. « Il est souvent difficile de juger si la personne est apte ou non à prendre une décision adaptée et pertinente en tenant compte de ses inaptitudes. Où mettre le curseur ? Cette question revient souvent dans les propos des répondants de l’enquête de la Fondation : « il est souvent bien compliqué d’analyser “jusqu’où” la personne est en capacité de se gérer elle-même sans se mettre en danger, de décider de sa vie au sens de la liberté individuelle. “Jusqu’où” ses troubles cognitifs peuvent-ils empêcher la personne de faire des choix de façon éclairée et réfléchie ? “Jusqu’où” devons-nous intervenir ou non, sans que cela ne soit considéré comme de la non-assistance à personne en danger ? » L’emploi de l’expression “jusqu’où” suggère que la volonté de la personne est respectée, mais seulement dans une certaine mesure. Il existe une limite délimitée par ce “jusqu’où”, où le choix de la personne ne sera plus respecté. Les assistants de service social ont un rôle d’accompagnement envers la personne dans toutes les prises de décision (ou quand celle-ci n’est plus capable de décider par elle-même), mais aussi envers son entourage, notamment lorsque celui-ci se sent coupable ou ne peut plus s’occuper de la personne à domicile (il est « arrivé au bout de ses limites »). Mais cet accompagnement trouve aussi des limites institutionnelles : « il est difficile d’expliquer aux familles que l’hôpital doit respecter une durée moyenne de séjour. En effet, leur préoccupation légitime, c’est que nous les accompagnions au mieux dans la prise en charge médico-sociale du patient. Il faut le temps de l’acceptation, soit de l’annonce de la maladie, soit de son aggravation, pour permettre aux familles de faire leur deuil d’une situation passée. Or nous ne pouvons leur laisser ce temps et nous devons les bousculer au quotidien, ce qui d’un point de vue éthique et déontologique est en discordance avec nos pratiques. On nous demande à nous, travailleurs sociaux, et surtout aux familles de régler en une semaine des situations ingérables car manque de temps, de moyens humains, de dispositifs adaptés etc. » Un des répondants parle à cet égard de « maltraitance institutionnelle ».

Fondation Médéric Alzheimer. Assistants de service social des établissements de santé et maladie d’Alzheimer. La Lettre de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer. 2015 : 40. Décembre 2015. www.fondation-mederic-alzheimer.org/Informez-vous/La-Lettre-de-l-Observatoire (texte intégral).