Être aidant en Irlande : Tsiganes et Gens du voyage
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« Bien que les Tsiganes et les Gens du voyage aient une espérance de vie réduite, leur risque de démence est élevé en raison de leur mauvais état de santé », expliquent Mary Tilki et ses collègues, de l’association des Irlandais en Grande-Bretagne et Kim Moloney, de LeedsGATE (Gypsy and Travellers Exchange). Il existe trois populations d’origine distincte : les Tsiganes romani, les Gens du voyage irlandais et les Gens du voyage écossais. Les ancêtres des Tsiganes romani ont quitté l’Inde vers l’an mil et se sont dispersés dans le monde entier ; leur arrivée au Royaume-Uni date des années 1500. Les Gens du voyage forment un groupe génétiquement distinct des autres populations irlandaises depuis environ trois mille ans. Le recueil d’information auprès de ces populations nomades, sans médecin généraliste, reste complexe. Leur accès au système de soins est réduit. « L’analphabétisme est un obstacle à l’information et à l’accès aux soins. La discrimination induit leur méfiance à l’égard de l’administration, et le manque de considération de la part des professionnels de santé les rend réticents à recourir à l’aide. Les familles apportent volontiers de l’aide à leurs proches atteints de démence. Elles n’appellent pas cela de l’aide mais un devoir familial. Invariablement, l’essentiel de l’activité d’aide est dévolu aux femmes. Les aidants connaissent mal la démence, attribuent l’oubli ou la confusion au vieillissement normal, et sont gênés d’en parler à l’extérieur de la famille. De plus, les normes de respect envers les anciens génèrent une réticence supplémentaire à évoquer la situation avec une autre personne ou à tenter une action que la personne malade désapprouverait. Le manque d’équipement sur les aires de stationnement rend difficile l’aide à la toilette. La déambulation d’une personne confuse sur un site où sont entreposées des carcasses de voiture et des pièces métalliques à recycler introduit une difficulté supplémentaire. » Lorsque la dépendance survient, l’hébergement est redouté, car synonyme d’éloignement du mode de vie traditionnel. En particulier, les hommes, habitués à la vie en extérieur s’y sentent « mis en cage », privés de leur contact avec la nature et les animaux, les espaces verts et la liberté d’aller et venir. Certaines personnes atteintes de démence deviennent agitées lorsqu’elles se souviennent d’évictions forcées, d’hostilité et même d’emprisonnement. Il existe une culture d’indépendance chez les Gens du voyage : les problèmes se règlent à l’intérieur de la famille ou de la communauté, et il est important de garder la maîtrise de la situation. La pression de la communauté empêche souvent les femmes d’exprimer leur souffrance ou leur épuisement en raison des normes culturelles et du respect dû à la personne dont elles s’occupent : cela pourrait être vu comme un signe de renoncement ou de faiblesse. Elles craignent les reproches de la communauté si elles évoquent le recours à des services extérieurs. L’aide ne peut être apportée que par un professionnel en qui la communauté a confiance, si les modalités de l’aide ont un sens et respectent le mode de vie des Gens du voyage. Une croyance largement répandue est que la maladie en général est causée par le stress, l’environnement, l’hébergement et par toute menace au style de vie du voyage.
Tilky M et al. Dementia among Gypsies and Travelers. J Dementia Care 2016 ; 24(4) : 12-4.