Le lien intergénérationnel : histoires de vie, une aide aux soignants
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Il y a trois ans, lorsque Jay Newton-Small a fait entrer son père, à la mémoire défaillante et au comportement agité, en maison de retraite, on lui donne un formulaire de vingt pages à remplir. Ancienne journaliste à Time Magazine, Jay Newton-Small se dit qu’aucun soignant ne prendra le temps de lire vingt pages sur chaque résident. Pour le personnel de l’établissement, elle décide donc d’écrire l’histoire de vie de son père de façon journalistique : autrefois, il avait été chauffeur de Winston Churchill, et avait aimé se promener parmi les cyprès et les champs de lavande en Provence, où il avait une maison de campagne. « Le personnel a adoré », se souvient-elle. Connaître des détails de la vie de son père a aidé les soignants à comprendre des événements déclencheurs qui pouvaient le contrarier, ou au contraire faire référence à ce qui lui faisait plaisir. « Cela a transformé complètement son accompagnement. » Cette expérience a été si forte que la journaliste a continué à raconter d’autres histoires de vie : elle a créé une petite entreprise, MemoryWell, avec deux associés. « Nous sommes des journalistes, aidants, fils et filles » : ainsi se présente l’équipe. Anecdotes personnelles, photos, vidéos et chansons préférées : des journalistes pigistes mènent les entretiens auprès des familles et recueillent les éléments de l’histoire de vie. Les clients sont des maisons de retraite. Dans l’un de ces établissements, la cloche pour appeler à table déclenchait la panique d’un résident, jusqu’à ce que le personnel apprenne qu’il avait été autrefois pompier. « La qualité des soins s’améliore et les comportements agressifs des résidents diminuent lorsque les soignants deviennent familiers de leur histoire de vie », résume Tara Bahrampour, du Washington Post. « Ils ne comprennent pas le contexte de la personne auprès de qui ils interviennent. C’est très isolant. Le problème est exacerbé par la rotation rapide du personnel dans les établissements, ce qui donne encore moins de chances aux soignants de connaître les détails personnels de chaque résident. »