Dilemmes éthiques et maladie d’Alzheimer : robots animaux (1)

Innovation

Date de rédaction :
19 décembre 2015

Fabrice Gzil est responsable du pôle Études et recherche à la Fondation Médéric Alzheimer et coordonnateur de Social Sciences for Dementia, un réseau de recherche pluridisciplinaire pour les citoyens vieillissants atteints de handicap cognitif. Il a participé à la rédaction du guide sur les dilemmes éthiques d’Alzheimer Europe. Il commente les implications éthiques de l’utilisation de robots animaux dans l’accompagnement de la démence, en s’appuyant sur une situation concrète. Georges, atteint de démence vasculaire, est hospitalisé pour une fracture de la hanche. Il passe la journée avec un robot chat sur les genoux. Il lui parle et passe des heures à le caresser et à le faire ronronner. Tout va bien jusqu’à la visite de son fils, qui s’insurge de voir son père porter de l’attention et parler à « un jouet pour enfants ». Il s’en plaint à l’infirmière responsable et exige que le chat qui l’offense soit retiré des bras de son père. Le fils décrit son père comme un homme réservé, avec un esprit pratique, qui aurait été horrifié de savoir qu’un jour il se comporterait ainsi. Le fils estime que son père a été piégé, qu’on lui a fait croire que c’était un vrai chat et que le personnel a une attitude indigne. L’infirmière est très préoccupée. Depuis que Georges est dans son service, elle a vu une nette amélioration de l’humeur depuis l’introduction du chat. Georges coopère davantage avec les kinésithérapeutes en charge de sa rééducation et a récemment commencé à participer aux activités de groupe. Pour le fils, cela est insignifiant : ce qui est important, c’est de “préserver la dignité du vrai Georges”, c’est-à-dire le père qu’il a toujours connu, et les valeurs que celui-ci a toujours eues. Pour Fabrice Gzil, « l’analyse de ce cas montre que l’utilisation des robots animaux dans l’accompagnement de la démence peut, dans des circonstances très spécifiques, apporter un bénéfice aux personnes malades, mais un questionnement éthique est indispensable. Pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de démence, la technologie robotique doit être introduite avec anticipation (forethought) et avec des recommandations précises. » Sans cette anticipation, les personnes âgées pourraient se trouver « dans un monde aride de machines, un monde de soin automatisé : une usine pour les vieux » (Sharkey et Sharkey, 2012). Pour Fabrice Gzil, il est d’une importance cruciale, avant d’introduire des robots animaux, que le personnel soignant ait une discussion approfondie avec les personnes atteintes de démence et leurs proches, et soient préparés à affronter les dilemmes éthiques associés à l’usage de ces technologies. »

Alzheimer Europe. Ethical dilemmas faced by health and social care professionals providing dementia care in care homes and hospital settings. A guide for use in the context of ongoing professional care training. Dementia in Europe Ethics Report 2015. 26 novembre 2015.

www.alzheimer-europe.org/content/download/111226/698408/file/Alzheimer%20Europe%20ethics%20report%202015.pdf (texte intégral).

Sharkey N et Sharkey A. The eldercare factory. Gerontology 2012; 58(3): 282-288. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21952502.