La maladie d’Alzheimer : une énigme pour les scientifiques
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« Après des décennies de recherche et des dizaines de milliards d’euros investis, la maladie d’Alzheimer, dont ce fut la 21e Journée mondiale le 21 septembre 2015, reste une énigme pour les scientifiques », rappellent Pascale Santi et Chloé Hecketsweiler. Aucune arme ne s’est révélée efficace pour ralentir cette maladie qui touche environ trente millions de personnes dans le monde. « Entre 2000 et 2012, sur les 244 molécules testées dans le cadre de 413 essais cliniques, une seule a finalement été approuvée, la mémantine. Commercialisée depuis 2004 par le laboratoire Lündbeck sous la marque Ebixa, elle n’est plus remboursée qu’à hauteur de 15 % en France, en raison de sa faible efficacité. Auparavant, trois autres médicaments avaient obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) en France (Aricept, Reminyl et Exelon), mais ils ne font qu’atténuer les symptômes, et seulement pour 20 % à 30% des patients. Dans un univers où l’échec est fréquent, un tel taux est record. Dans le cancer, près de 20% des molécules testées au début des années 2000 ont décroché une AMM. » Les moyens accordés à la recherche ne cessent pourtant d’augmenter. Aux Etats-Unis, les instituts nationaux de la santé y ont consacré plus de 2.6 milliards de dollars (2.3 milliards d’euros) depuis cinq ans, et 640 millions de dollars sont budgétés pour 2016 ; à la clé, un marché pharmaceutique évalué à 13 milliards de dollars à l’horizon 2023. Cécile Grosskopf, responsable du développement de la filiale française des laboratoires Roche, explique : « il y a encore beaucoup d’incertitudes. Il est très difficile de prouver l’efficacité d’une molécule, car les essais portent sur des patients dont le cerveau est déjà trop atteint. La maladie débute probablement dix ou quinze ans avant l’apparition des premiers symptômes, et il faudrait tester les médicaments dès ce stade en cas de doute. Il faut aussi sélectionner les patients, car il existe différentes variantes de la maladie. » Pour trier les patients, les médecins s’appuient sur l’imagerie cérébrale et la présence de biomarqueurs dans le liquide céphalo-rachidien. Mais traiter une personne qui présente de légers troubles soulève des questions éthiques. « Les personnes qui n’ont pas de symptômes, même si les biomarqueurs sont positifs, sont souvent réticentes aux essais », constate le Pr Mathieu Ceccaldi, neurologue au CHU La Timone de Marseille et président du conseil scientifique en sciences médicales de France Alzheimer. Le Pr Bruno Vellas, directeur du gérontopôle de Toulouse, confirme : « On rencontre des problèmes de recrutement. L’information doit être faite à l’entourage. Il y a un problème de mobilisation et de motivation, qui ressemble un peu à ce que l’on voyait à propos du cancer il y a une vingtaine d’années. » Il existe encore des préjugés tels que : « on va servir de cobaye. »