Déficit comportemental léger

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Date de rédaction :
09 juillet 2016

Zahinoor Ismail, neuropsychiatre à l’Université de Calgary (Canada), et ses collègues, ont proposé, au congrès international de l’Association américaine Alzheimer, des critères de diagnostic de « déficit comportemental léger » (mild behavioral impairment) annonciateur d’une démence ou d’une maladie d’Alzheimer à venir. Ce déficit comportemental léger, caractérisé par des changements d’humeur et de comportements, précéderait le déficit cognitif léger, un diagnostic créé il y a plus d’une décennie pour désigner une condition dans laquelle la personne éprouve certains problèmes cognitifs, mais peut toujours fonctionner dans le quotidien. Des études suggèrent que les changements émotionnels et comportementaux font partie du processus même de la démence, explique le neuropsychiatre. « Ce qui érode la mémoire et les capacités de pensée dans le processus de la démence peut également affecter les systèmes cérébraux de la régulation émotionnelle et la maîtrise de soi. » Si deux personnes ont un déficit cognitif léger, celle qui présente des changements d’humeur ou de comportement risque de développer une démence plus rapidement », dit-il. Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui ont ces symptômes « évoluent moins bien au fil du temps » et, après la mort, les autopsies montrent qu’elles avaient plus de lésions cérébrales. Le groupe a présenté un test (Mild Behavioral Impairment Checklist, MBI-C), comportant trente-quatre questions évaluant cinq domaines : apathie / énergie / motivation ; humeur / affect / anxiété ; contrôle des impulsions / agitation / récompense ; caractère approprié du comportement social ; pensées / perception. Des questions sont par exemple : « Est-ce que la personne devient agitée, agressive, irritable ? », « A-t-elle des croyances irréalistes au sujet de sa puissance, sa richesse ou ses compétences ? » « Est-ce qu’elle ne se soucie plus de rien ? » Pour être considéré pour le diagnostic, un symptôme doit être présent depuis au moins six mois et représenter un changement fondamental par rapport à la personnalité habituelle de la personne. Certains experts craignent qu’un tel diagnostic entraîne beaucoup d’inquiétude alors qu’il n’y a pas encore de traitements efficaces pour la maladie d’Alzheimer. Ainsi Kenneth Langa, professeur de santé publique à l’Université du Michigan, craint qu’il n’entraîne un surdiagnostic, puis une cascade clinique : « les gens vont commencer par passer ce test, puis des tests d’imagerie cérébrale, puis vont multiplier les consultations médicales et se trouver plus inquiets. Il cite l’exemple du déficit cognitif léger. Beaucoup de gens qui reçoivent ce diagnostic ne développent pas de démence, même une décennie plus tard, et jusqu’à 20% sont jugés cognitivement normaux ultérieurement. Ce pourrait être parce que le jour où ils ont été diagnostiqués, leur fonction cognitive était plus faible que d’habitude, peut-être en raison du stress ou de médicaments. C’est l’une des choses qui me font penser à deux fois au sujet de la création d’un diagnostic de déficit comportemental léger », dit-il, recommandant que le test soit soigneusement évalué par des chercheurs avant que les médecins commencent à l’utiliser.