La démence comme handicap: le grand tournant
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« L’hypothèse de la cascade amyloïde est-elle trop importante pour échouer (too big to fail) ? » s’interrogent David Le Couteur, professeur de médecine gériatrique à l’Université de Sydney (Australie), Sally Hunter, associée de recherche et le Pr Carol Brayne, professeur de santé publique à l’Université de Cambridge (Royaume-Uni), après l’échec de l’essai clinique de phase 3 du solanezumab, un anticorps monoclonal dirigé contre la protéine bêta-amyloïde.Les chercheurs estiment qu’il faut maintenant avoir le courage de « regarder ailleurs ». Mais où ? Jill Manthorpe, professeur de travail social et Steve Iliffe, professeur de soins primaires pour les personnes âgées à l’University College de Londres, écrivent dans le British Medical Journal : « il apparaît maintenant qu’il existe des processus pathologiques multiples, à l’œuvre durant de longues périodes, qui interagissent via des boucles de rétroaction et d’induction (feedback and feedforward loops) avec des facteurs protecteurs multiples pour créer (ou non) les symptômes et les schémas de comportement que nous appelons démence. Cette façon de penser a une conséquence immédiate : l’espoir d’un traitement curatif unique semble irréaliste, tout simplement parce que tant de chemins différents conduisent au syndrome [ensemble de signes] de la démence. Alors que la “médecine de la promesse” offre l’espoir qu’un dernier pilonnement (heave) ou un plus gros chèque permettra de faire des progrès cliniques substantiels, approcher la démence comme un handicap nous confie la tâche de réduire le fossé entre une demande environnementale et les capacités de la personne (ou de sa famille). Le modèle de la démence comme handicap transforme le flou du syndrome en atout, en considérant la démence comme un élément d’une combinaison d’incapacités cognitives, émotionnelles (dépression) et physiques (fragilité), qui sont toutes partiellement modifiables. La prévention est plus utile que le traitement pour la plupart des situations du monde réel, et nous n’avons pas de raison de penser que la démence est une exception. Notre attention devrait donc se déplacer vers la promotion du vieillissement en bonne santé, et l’augmentation de la réserve cognitive au moyen d’activités de faible intensité, à long terme, dans la vie quotidienne (approche éco-psychosociale), même si ce travail n’est pas profitable et ne vaudra jamais un Prix Nobel.
Manthorpe J et Iliffe S. Re: Solanezumab and the amyloid hypothesis for Alzheimer’s disease : where to look? BMJ, 16 janvier 2017. www.bmj.com/content/355/bmj.i6771/rr-1(texte intégral).Couteur D et al. Solanezumab and the amyloid hypothesis for Alzheimer’s disease. BMJ, 29 décembre 2016. http://dx.doi.org/10.1136/bmj.i6771.