J’y pense et puis j’oublie, d’Annie-Claude Nakau

Société inclusive

Date de rédaction :
01 juillet 2017

« Je dois vivre avec ce mal qui me précède partout et me détache de vous. Je suis incapable de me soumettre à vos codes, mais qui en a conscience ? », écrit Annie-Claude Nakau, aujourd’hui âgée de soixante-trois ans, et atteinte depuis l’âge de quarante-cinq ans du syndrome de Benson, aussi appelée atrophie corticale postérieure, une forme atypique de maladie d’Alzheimer [atteinte focale corticale non amnésique : la maladie se caractérise par une atteinte spécifique du traitement de l’information visuelle, épargnant la mémoire épisodique et les fonctions exécutives ; les troubles les plus fréquents affectent la localisation spatiale et plus rarement l’identification visuelle]. Elle a appris son diagnostic après quinze ans d’errance médicale. « Les médecins pensaient que je n’avais rien. Ils me prenaient pour une affabulatrice », explique-t-elle aujourd’hui, encore marquée par ce long « parcours difficile » se heurtant à l’incompréhension et à la perplexité des soignants. « Je sentais bien que quelque chose n’allait pas. Je comprenais tellement peu de choses que j’ai fini par avoir peur », confie-t-elle d’une voix légère, parfois hésitante, cherchant ses mots ou tentant de rattraper une idée qui lui échappe. Les premiers symptômes sont apparus alors qu’elle vivait au Japon, le pays natal de son mari. C’est en apprenant à déchiffrer les kanji, ces idéogrammes d’origine chinoise, que de curieux troubles visuels sont un jour apparus. « Les kanji devenaient blancs. C’était très curieux. Ils disparaissaient brusquement et je me retrouvais dans le vide ». « La marée remonte moins aujourd’hui. J’ai toujours ma capacité de raisonner. Mais j’ai des douleurs dans le cerveau. J’ai la sensation qu’elles se baladent dans ma tête. L’arrière de mon cerveau est touché, endommagé, donc c’est un peu sérieux… », décrit pudiquement Annie-Claude qui a aujourd’hui perdu la faculté de lire, de compter, d’écrire, mais aussi de s’orienter et d’effectuer les gestes simples du quotidien (s’asseoir, manger, s’habiller…). « Je devais combler les manques par le raisonnement. D’où un léger retard, dans le temps des autres, pour finalement, arriver à vivre ensemble. Où allais-je dans ces temps suspendus où je m’extrayais du monde ? » « Annie-Claude voit tout, mais elle ne voit rien ! », dit Marie Bernard, membre de France Alzheimer 31, à Toulouse. Encore un paradoxe ? « Pour les autres, elle devient aveugle, mais en fait, ce qu’elle voit est une juxtaposition d’éléments. Un peu comme un tableau. L’œil voit, mais il n’est plus connecté au cerveau », explique cette bénévole qui, depuis 2012, produit des « récits de vie » de personnes atteintes d’Alzheimer ou d’une maladie neuro-évolutive.  Des livres tirés à quelques exemplaires, très précieux pour les malades et leur entourage. Quand elle rencontre Annie-Claude il y a un an, la demande était claire : « Je veux parler de ma maladie ! Je veux expliquer ce que les autres malades ne peuvent pas dire ! »

https://parismatch.be/actualites/47461/alzheimer-et-degenerescence-le-temoignage-bouleversant-dune-malade, 3 juin 2017. www.msn.com/fr-be/actualite/other/alzheimer-et-d%C3%A9g%C3%A9n%C3%A9rescence-la-maladie-racont%C3%A9e-de-lint%C3%A9rieur/ar-BBBQRa0, www.comme-un-roman.com/livre/10684792-j-y-pense-et-puis-j-oublie-nakau-annie-claude-slatkine-et-cie, 3 juin 2017. Nakau AC. J’y pense et puis j’oublie. Paris : Slatkine et Cie. 245 p. ISBN : 978-2-88944-027-6.Dubois B et Michon A (coord). Démences. Traité de neurologie. Paris : Doin. 2015. ISBN : 978-2- 7040-1429-3.