In memoriam : Françoise Héritier (1933-2017)
Société inclusive
Françoise Héritier s’est éteinte le jour de ses 84 ans. Élève de Claude Lévi-Strauss, elle lui a succédé au Collège de France, où elle a dirigé le laboratoire d’anthropologie sociale de 1982 à 1999. « Elle a mis le corps humain au cœur de sa discipline, afin d’éclairer, notamment, la domination masculine », résument Jean Birnbaum et Anne Chemin, du Monde. Jusqu’à la fin, Françoise Héritier est intervenue dans le débat public. Elle venait de recevoir un prix spécial Femina pour l’ensemble de son œuvre. Françoise Héritier était aussi présidente honoraire de la Fondation Médéric Alzheimer, dont elle avait rejoint le conseil d’administration en 1999. Dans un texte publié dans Réalités familiales en 2008, elle écrivait : « la description clinique ne cache rien des processus qui vont se mettre en route selon un cheminement quasi inévitable, mais le témoignage de personnes qui vivent avec cette maladie (selon l’expression désormais consacrée) nous montre non seulement comment la vie peut être aménagée pour en tirer le maximum, mais encore, du moins pendant un temps assez long, qu’il est possible de tirer parti du mal pour progresser dans la connaissance de soi et le rapport à autrui. Ce n’est certes pas donné à tous les malades d’y parvenir, mais outre que la disparité personnelle existe pour toutes les pathologies, il est essentiel de penser que la fatalité la plus noire n’est pas un engrenage automatique ». L’anthropologue conclut : « Il y a un point sur lequel nous nous devons d’insister : même si elle ne le sait plus, car sa mémoire et sa conscience ont un jour sombré, cette personne au regard absent a occupé une place, sa place dans son monde, celui de la parenté, celui de la famille, de l’amitié, du travail… Elle a été le parent, l’enfant, le frère ou la sœur, l’ami(e) de multiples autres. Elle a été tantôt au centre d’un réseau, tantôt enserrée dans de multiples filets. Ils existent toujours, malgré sa défaillance. Et elle y a toujours sa place qui ne peut être effacée. Ne serait-ce qu’à ce titre, la personne malade doit toujours être considérée comme faisant partie de la sphère vitale commune tant par son entourage direct (qui le plus souvent d’ailleurs, ne l’oublie pas) que par les directives politiques et par l’entourage social non concerné directement, constitué par ceux qui ont la chance (pour un temps) d’user pleinement toutes leurs facultés. »
www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/11/15/l-ethnologue-et-anthropologue-francoise-heritier-est-morte_5215270_3382.html#fVQzULpFYJVQG5Sk.99, 15 novembre 2017. Héritier F. La maladie d’Alzheimer : des efforts à poursuivre. Réalités familiales 2008 ; 85-87 : 154-155.