Déremboursement : une perte de chances pour accéder à l’innovation thérapeutique ?
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Dans Libération, les Prs Pierre Krolak-Salmon (neurologue et gériatre, vice-président de la Fédération française des Centres mémoire), Mathieu Ceccaldi (neurologue et président de la Fédération nationale des Centres mémoire de ressources et de recherche), Sandrine Andrieu (médecin de santé publique, présidente de la Société française de gériatrie et gérontologie), Bruno Brochet (président de la Fédération française de neurologie), Pierre Vandel (président de la Société française de psycho-gériatrie), contestent l’avis de la Haute Autorité de santé prévoyant un déremboursement total des médicaments indiqués dans la maladie d’Alzheimer. Les universitaires estiment qu’« une telle mesure reviendrait à diminuer drastiquement les chances d’accéder à la recherche thérapeutique innovante pour les patients. » « Il ne s’agit pas d’une conséquence inéluctable du vieillissement comme on le présente encore quelquefois, mais bien d’une maladie du cerveau, provoquée par une cascade d’événements biologiques qui font le lit d’une dégénérescence anormalement marquée des systèmes de neurones en charge de la cognition. Ces maladies sont reconnues en affection de longue durée et bénéficient, à ce titre, d’un remboursement à 100% des soins médicaux par l’assurance maladie. Or le remboursement des médicaments symptomatiques fait aujourd’hui l’objet d’une remise en cause, alors que même leur bénéfice cognitif est statistiquement démontré dans toutes les études à haut niveau de preuve scientifique. C’est pourquoi, rappeler les enjeux d’une démarche diagnostique de qualité et les fondamentaux du parcours de soins dédiés aux maladies neurodégénératives est crucial, à un moment où la recherche apporte des éléments majeurs pour comprendre les mécanismes des démences, les cibles et stratégies curatives et préventives, médicamenteuses et non-médicamenteuses à venir. » Pour le collectif, « l’utilisation de ces médicaments indiqués spécifiquement dans la maladie d’Alzheimer, et parfois la maladie à corps de Lewy, s’inscrit dans un parcours de soins où une approche interdisciplinaire, impliquant le médecin généraliste, le spécialiste, les professionnels paramédicaux comme l’orthophoniste, le psychologue, l’ergothérapeute, le psychomotricien, l’infirmière, peut être efficace. Les services sociaux organisent le plan d’aide à domicile adapté à la dépendance, et les associations de familles accompagnent les patients et leurs proches. Cette démarche globale permet de limiter l’impact de la perte d’autonomie, le “mieux-être” du patient et de son entourage étant l’objectif de tous. Considéré isolément, l’effet de ces médicaments est modeste. Mais il s’inscrit en synergie des approches non-médicamenteuses. C’est bien l’ensemble des mesures thérapeutiques et aides qui contribue au ralentissement de la dégradation cognitive et comportementale du patient. Les médicaments symptomatiques ne doivent être prescrits qu’en respectant scrupuleusement les contre-indications, cardiaques notamment, tout en surveillant l’absence d’effets secondaires tels que l’anorexie. »