Quand faut-il annoncer une maladie d’Alzheimer ? (1)
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« Le diagnostic doit-il être le plus précoce possible ? Ou faut-il attendre afin de ne pas angoisser trop tôt un patient en dévoilant une maladie contre laquelle il n’existe à ce jour aucun médicament efficace ? », s’interroge Pierre Bienvault, de La Croix. « Cela fait plusieurs années que ce débat à fort enjeu éthique traverse la médecine française. « D’un côté, il y a les spécialistes hospitaliers, neurologues en tête, qui encouragent le diagnostic précoce. De l’autre, des généralistes qui mettent le pied sur la pédale de frein. Et au milieu, des patients et des familles parfois déconcertés face à ce débat. » « La grande majorité des adultes en bonne santé se déclarent favorables à connaître le diagnostic en cas de signes évocateurs d’une maladie d’Alzheimer. Mais l’expérience des médecins indique que les personnes âgées et leur entourage optent assez souvent pour une attitude attentiste, montrant peu d’empressement à savoir », écrivent deux médecins généralistes, Laurent Letrilliart et Denis Pouchain, dans une tribune intitulée : « Maladie d’Alzheimer : savoir ou ne pas savoir ? », publiée sur le site The Conversation. « Quel pourrait être l’intérêt, pour une personne, de recevoir un diagnostic de la maladie d’Alzheimer, alors que celle-ci n’a pas encore de retentissement sur son autonomie ? Il en existe plusieurs. Le diagnostic permet de planifier des soins dits “de support” pour aider le patient dans son quotidien, notamment une rééducation cognitive et physique. Celle-ci permet de limiter les effets des symptômes les plus invalidants, par exemple les problèmes de langage ou d’équilibre. Être informé de sa maladie permet aussi de mettre en place, avec l’aide de l’entourage, des stratégies de prévention de certains risques, comme les accidents domestiques, ceux de la circulation, les escroqueries ou les spoliations. La personne diagnostiquée peut aussi décider de participer à des projets de recherche thérapeutique, pour tenter de retarder l’évolution vers une démence. Elle peut aussi choisir d’intégrer une étude épidémiologique, pour aider les chercheurs à connaître l’évolution naturelle des troubles. La personne peut également prendre le temps de rédiger des directives anticipées précisant ses souhaits pour sa fin de vie. Celles-ci pourront être mises en application au stade le plus avancé de la maladie, en cas d’incapacité d’exprimer ses volontés. Mais dans l’état actuel de la pratique médicale, l’intérêt du diagnostic précoce est cependant limité, en raison de l’absence de traitement efficace. Par ailleurs, le diagnostic peut être à l’origine d’une anxiété qui peut être dommageable pour la qualité de vie. Il expose aussi la personne à des risques de stigmatisation, voire de discrimination, altérant sa vie sociale et l’exercice plein et entier de ses droits de citoyen. »