L’entrée en maison de retraite : un « choix » subi
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Plus d’un tiers des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) accueillent des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, rappelle Pierre Bienvault, de La Croix. « Cette situation est liée à une évolution, au départ, plutôt positive : grâce à une politique volontariste en faveur du maintien à domicile, les Français vivent de plus en plus longtemps chez eux. Et ils arrivent donc en maison de retraite à un âge toujours plus avancé. » « Il y a vingt ou trente ans, certaines personnes, en bonne santé mais isolées, faisaient le choix d’aller en établissement pour avoir une certaine vie sociale. Mais, au fil des ans, les EHPAD se sont de plus en plus médicalisés pour accueillir une population toujours plus dépendante. Et, désormais, l’institution est très souvent un choix subi. On part quand on ne peut plus rester au domicile », explique Pierre-Yves Malo, psychologue en gériatrie au CHU de Rennes. Ce « non-choix » intervient parfois dans une situation d’urgence médicale, par exemple après une chute au domicile. « C’est important d’anticiper mais c’est souvent difficile. L’entrée en institution est souvent un sujet très délicat à aborder avec la famille », constate le docteur Véronique Lefebvre des Noettes, gériatre à l’hôpital Émile-Roux de Limeil-Brévannes (Val-de-Marne). Pour Pierre Bienvault, « franchir le cap de la maison de retraite n’est pas toujours simple, même pour les personnes encore bien portantes. Mais Alzheimer rend souvent le contexte très particulier. En général, une relation “aidant-aidé” omniprésente s’est construite au fil du temps. Avec un entourage familial dressé comme le tout premier rempart contre une maladie au bout d’un moment impossible à gérer au domicile. » « C’est très bien de vouloir rester chez soi le plus longtemps possible. Mais face à une maladie d’Alzheimer avancé, cela n’est pas toujours tenable. S’occuper d’un malade, c’est parfois vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et, au bout d’un moment, l’aidant ne dort plus et s’épuise », souligne le docteur Isabelle Migeon-Duballet, gériatre au CHU de Poitiers.
Faire entrer son mari en maison de retraite ? Pour l’instant, Agnès ne veut même pas y songer. « Autour de moi, beaucoup me disent que ce n’est plus possible », confie cette femme d’une soixantaine d’années, dont l’époux est atteint d’une maladie d’Alzheimer. « Aujourd’hui, je m’occupe de lui en permanence », confie-t-elle. « Pour l’habiller, pour la toilette, les repas. Parfois, c’est dur. Quand je craque, je vais faire un tour, je me calme et puis je reviens. Pour l’instant, je tiens. Peut-être qu’un jour il faudra qu’il aille en maison de retraite. Mais, pour moi, cela serait une manière de l’abandonner. »