Participation des personnes malades à la recherche : la personne est présumée capable
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« En France, lorsque le chercheur en sciences sociales entre dans le champ de la maladie d’Alzheimer ou des démences apparentées liées au grand âge, il se trouve rapidement confronté à une injonction paradoxale », écrivent Alexandre Oboeuf, directeur adjoint de l’équipe Techniques et enjeux du corps à l’Université Paris-Descartes (EA3625) et ses collègues de l’Université catholique de Lille. « D’une part, on lui signifie, tant dans la communauté de recherche qu’au sein des établissements, que la parole des malades est essentielle et qu’il faut les inclure dans la recherche. D’autre part, on lui rappelle sans cesse que, vu leur grande fragilité et l’altération de leurs capacités, il est difficile d’obtenir leur consentement et donc de récolter leur parole. Ainsi, ce seront souvent les personnes gravitant autour du malade d’Alzheimer qui seront interrogées sur leur vécu et leurs pratiques. Les résultats se révèlent souvent passionnants, mais le malade est une fois de plus marginalisé. Pourtant, les évolutions législatives, et plus particulièrement la charte des droits et libertés de la personne accueillie en institution insistent, entre autres, sur le principe du libre choix, du consentement éclairé et de la participation de la personne. Ces intentions sont en outre présentes sur les murs des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à travers la charte Alzheimer Éthique et Société, reconnaissant le droit de la personne malade à être, ressentir, désirer et refuser. Cette charte enjoint aussi à respecter la citoyenneté de la personne touchée par le « vieillissement problématique » et à favoriser l’accès de la personne à la recherche. Cette injonction paradoxale questionne donc le chercheur en sciences sociales : quelles sont les opportunités s’offrant à lui afin de favoriser la participation des malades Alzheimer ? Quelles sont les limites effectives de cette participation des personnes ? » « Comme le précise la Fondation Médéric Alzheimer, dans son cadre éthique des travaux de recherche », poursuit Alexandre Oboeuf, « les chercheurs ne doivent pas sous-estimer les capacités de jugement et de discernement des personnes malades. Celles-ci sont présumées capables de consentir jusqu’à preuve du contraire. La présence de troubles cognitifs, d’un diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’une mesure de protection juridique ne signifie pas nécessairement que la personne soit dans l’incapacité de fait de donner ou de refuser son consentement. »
Oboeuf A et al. De la nécessité d’inclure les résidents souffrant d’un Alzheimer dans les recherches en sciences sociales », Recherches et éducations 2017 : 121-136. http://rechercheseducations.revues.org/2966#text (texte intégral).