La Personne malade au coeur de l’action

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
01 novembre 2007

« Bonne surprise », écrit, avec un certain humour, Libération. Il est vrai que le rapport de la Commission Ménard a été universellement bien accueilli (Libération, 9 novembre ; Les Echos, 8 novembre ; www.agevillagepro.com, 19 novembre, etc).
Qui pourrait, par exemple, ne pas être d’accord avec un effort sans précédent en faveur de la recherche, notamment à travers la création d’un réseau national d’excellence coordonnant plusieurs disciplines par le biais d’une fondation de coopération scientifique ? (Le Monde, 10 novembre ; Actualités sociales hebdomadaires, 16 novembre)
Ce qui n’empêche pas la commission Ménard de souligner l’importance des approches non-médicamenteuses (cf. aussi, sur ce sujet, Décideurs en gérontologie, novembre, et Soins Gérontologie, novembre-décembre). D’où l’intérêt primordial de valoriser les métiers para-médicaux, afin de recruter du personnel spécifiquement formé aux soins quotidiens et à l’accompagnement
(www.soignants.com, www.infirmiers.com, 9 novembre ; Actualités sociales hebdomadaires, 16 novembre).
Mais l’essentiel, – et le moins attendu -, est peut-être ailleurs : dans la place centrale donnée à la personne malade, mise � pour la première fois sans doute dans un document officiel � au c�ur de l’action, comme sujet-acteur premier (www.lefigaro.fr, 8 novembre).
Il en résulte, en toute logique, que l’objectif majeur devient l’amélioration de la prise en charge, avec des propositions de pistes inédites, précises, concrètes.
Une fois le diagnostic établi, comment l’annoncer à la personne malade ? Le difficile problème du bien fondé de l’annonce précoce en l’état actuel des traitements « au mieux hésitants, au pire insuffisants » est ici clairement posé (Le Figaro, ibid). Le rapport propose d’humaniser ce moment délicat en adjoignant à l’intervention du médecin traitant celle d’autres professionnels, comme des psychologues. Un travailleur social pourrait, aux côtés du généraliste, organiser la prise en charge en coordonnant la quinzaine de professions qui gravitent autour de la personne malade (mêmes sources).
Pour mettre fin au désarroi des familles perdues dans une multitude de dispositifs peu articulés et cloisonnés, une porte d’entrée unique serait mise en place dans chaque département, avec un seul référent médico-social, interlocuteur direct du malade, de sa famille et du médecin traitant (Actualités sociales hebdomadaires, 16 novembre ; afp.google.com, 12 novembre).
Le rapport préconise l’élaboration d’un plan individualisé de soins et de services, sur la base d’une évaluation multidisciplinaire réalisée au domicile de la personne malade, dans le mois suivant l’annonce du diagnostic. Un volet d’évaluation des besoins des aidants familiaux pourrait également être intégré (mêmes sources).
Le suivi serait assuré par le médecin généraliste qui « seul connaît la personne dans son environnement », en relation avec d’autres professionnels de l’aide médico-sociale.
Une telle démarche s’articule parfaitement, à l’horizon 2010, avec la proposition de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), qui préconise de mettre fin à la distinction entre personnes âgées dépendantes et personnes handicapées en créant une prestation personnalisée unique, après une évaluation multidisciplinaire spécifique des besoins de chaque personne (Directions, novembre 2007).
Le rapport Ménard estime, dans la même logique, qu’il faut favoriser au maximum le maintien à domicile par un suivi régulier permettant de prévenir les crises et par la formation des personnels aux troubles du comportement. Pour les cas où ces troubles deviennent trop difficiles à maîtriser, la création de petites unités spécifiques de douze personnes devrait être privilégiée. Un centre d’éthique dédié à la maladie d’Alzheimer pourrait aider les professionnels à réfléchir aux questions les plus embarrassantes (Le Monde, 10 novembre ; Libération, 9 novembre ; Actualités sociales hebdomadaires, 16 novembre).
Il reste cependant une interrogation non négligeable, reprise par de nombreuses associations : comment financer ? (www.seniorscopie.com, 12 novembre ; www.decideursgerontologie.fr même date ; www.agevillagepro.com, 12 et 19 novembre ; Les Echos, 8 novembre, etc).
Pour Bérangère Poletti, rapporteur de la Commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale sur le handicap et la dépendance, le problème central est la couverture du reste à charge supporté par les familles. Comment faire face aux frais d’hébergement en institution spécifique (au moins mille cinq cents euros par mois), ou aux dépenses pour le maintien à domicile (jusqu’à quatre mille cinq cents euros par mois) ? Les familles en sont réduites à s’investir elles-mêmes dans l’accompagnement du malade, ce qui signifie une perte de revenus professionnels. D’où une grave inégalité face à la maladie en fonction de la fortune (Assemblée nationale, rapport pour avis de la Commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, 11 octobre).
Sur le forum internet permettant au grand public de réagir aux propositions de la commission Ménard, beaucoup de familles racontent les difficultés financières qu’elles ont à affronter (www.forums.gouv.fr, 19 novembre).
Que propose le gouvernement ? La prise en charge des personnes dépendantes doit être fondée sur « un juste partage » entre « solidarité nationale et familiale, financement public et privé », déclare Eric Woerth, ministre du Budget. Il invite chacun, dans la mesure de ses moyens, à « anticiper individuellement » le « risque de perte d’autonomie lié à l’âge » : « la solidarité publique n’a pas vocation à tout prendre en charge ». Et de souligner le développement du secteur assurantiel sur ce marché, avec plus de deux millions de personnes bénéficiant d’une assurance dépendance (www.agevillagepro.com, 19 et 20 novembre).
De son côté, Valérie Létard, secrétaire d’Etat chargée de la Solidarité, attend un nouveau système plus clair, de proximité, articulé avec les futures agences régionales de santé. Une partie du reste à charge pourrait, selon elle, être assurée notamment par la prestation unique d’autonomie en discussion à la CNSA. (même source)
Qu’en pensent les Français ? D’après l’IFOP, 73% souhaitent que les efforts des assurés soient proportionnels à leur revenu, 25% seulement étant favorables à une franchise égale pour tous (IFOP-Fondation Impact santé, octobre 2007).
Difficile, du reste de mesurer exactement le coût de la maladie d’Alzheimer, tant pour les particuliers que pour la société : comment évaluer le coût des soins apportés au sein de la sphère familiale ? ou la valeur de l’aide dite informelle ? L’INSERM avoue son impuissance (http://ist.inserm.fr/basisrapports/alzheimer.html, novembre 2007)
N’oublions pas enfin que le rapport de la Commission Ménard � c’était la mission qui lui avait été confiée – ne contient que des propositions. Ce sera au président de la République et au gouvernement de trancher. Rendez-vous est pris pour la fin de l’année.
Pour mieux mettre en commun les expériences, la France se propose, d’organiser, pendant la présidence française du deuxième semestre 2008, une conférence européenne sur la maladie d’Alzheimer (www.medicalnewstoday.com, 9 novembre).
Pendant ce temps, le Québec, où Baluchon Alzheimer voit sa subvention multipliée par dix, met en place, lui aussi, un comité d’experts chargé d’élaborer un plan d’action national (www.cyberpresse.ca, 16 novembre ; www.cnw.ca, 20 novembre). En Grande Bretagne, dans la perspective d’un futur plan Alzheimer, deux professeurs d’université s’efforcent de construire un modèle stratégique du handicap, définissant clairement les résultats attendus, afin de convaincre les décideurs politiques (même source). Mais ils s’opposent, comme beaucoup de leurs confrères américains, à un dépistage systématique, tant qu’il n’existe pas un test fiable et un traitement efficace (Journal of American Medical Association).
Seule ombre à ce tableau d’une prise de conscience mondiale des enjeux : le président Bush a opposé son veto à un projet de loi prévoyant notamment une augmentation de seize millions de dollars des crédits fédéraux pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer et un financement de deux millions de dollars pour le nouveau programme de répit Lifespan Respite Care Act, introduit en 2006 (www.alz.org, 14 novembre)

Jacques Frémontier
Journaliste bénévole