Fin de vie : faut-il réformer la loi ? (2) Décembre 2008

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
01 décembre 2008

A l’occasion de la publication du rapport d’évaluation de la loi Leonetti, Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale à l’Université de Paris-Sud, s’insurge contre la revendication de l’euthanasie par l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui « provoque nos valeurs et surprend nos mentalités ». « On ne saurait tolérer davantage le discours des quelques beaux esprits qui proclament comme une conquête morale l’urgence de dépénaliser l’euthanasie, sans consacrer la moindre attention à ceux, plus vulnérables que d’autres, qui éprouvent de tels arguments comme une injure, une imposture, l’insupportable manifestation d’un rejet qui révoque leur humanité même. Les propagandistes actuels du suicide médicalement assisté dévoient un engagement très exceptionnel qui a permis, au cours des dernières années, de mieux reconnaître le droit des personnes malades ou handicapées, leurs aspirations à une qualité d’existence, à une position en société et à des soins respectueux, adaptés, attentifs à leurs choix profonds, à leurs véritables besoins. Ils confortent les logiques de l’indifférence, du renoncement ou de l’abandon et justifient ainsi les relégations de nos malades aux marges de la cité, dans un état de précarité et d’errance chroniques, au domicile ou dans des institutions vécues comme des lieux de ségrégation. La délivrance anticipée d’une vie à ce point indigne de la vie leur semble alors préférable à l’expérience quotidienne d’une forme subreptice, anonyme, indifférenciée d’euthanasie sociale. Il nous faut résister aux figures imposées d’une culture de la mort digne, repenser et refonder les solidarités indispensables à une vie en société digne d’être vécue jusqu’à son terme. C’est affirmer que l’existence, la dignité et les droits des personnes malades ou handicapées valent mieux que les débats indécents qui tentent d’organiser les conditions de gestion de la mort des plus vulnérables parmi nous : ceux à l’égard desquels nos obligations s’avèrent au contraire les plus fortes. Il nous faut conférer un espace d’expression publique à la réflexion consacrée au sens de la vie, à la valeur des combats de vie menés par les personnes malades et leurs proches pour préserver une existence humaine, la signification d’une histoire d’homme, en dépit de ce qui les menace. J’en appelle à une mobilisation éthique : elle concerne les fondements de la vie démocratique et sollicite une dynamique de la responsabilité partagée, un engagement auprès de celles et de ceux qui attendent de notre société d’autres réponses que la solution finale d’une mort assistée ».
Le Figaro , 2 décembre 2008. Le Figaro Magazine , 6 décembre 2006. Assemblée nationale. Rapport n°1287 de J. Leonetti, au nom de la mission d’évaluation de la loi 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, 28 novembre 2008.