Visage humain
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Pour Françoise Héritier, professeur honoraire au Collège de France, ancienne présidente et administratrice de la Fondation Médéric Alzheimer, « si le constat n’est pas triomphant, il est de bon augure ». En effet, un changement profond s’est produit depuis vingt ans : « désormais, au cœur de toutes les actions possibles, présentes et à venir, c’est le malade lui-même qui se trouve et non d’autres considérations, (le poids ou la gêne sociale, le coût, les risques pour l’aidant familial et l’entourage…). C’est le malade, en tant que personne humaine, qui reste une personne, aussi mutique soit-elle. Comme pour d’autres pathologies, effrayantes elles aussi a priori, ce sont les malades eux-mêmes qui ont organisé le combat pour être traités non en pestiférés, ni en débiles, mais en personnes responsables, tant qu’elles le peuvent, de leurs actes, de leurs pensées, de leurs décisions. Une personne peut être définie de différentes manières, mais ni la perte de l’autonomie ni même la perte de la conscience de soi ne sont des facteurs qui rayent les individus de la communauté des humains. Il y a un point sur lequel nous nous devons d’insister : même si elle ne le sait plus, car sa mémoire et sa conscience ont un jour sombré, cette personne au regard absent a occupé une place, sa place dans son monde, celui de la parenté, celui de la famille, de l’amitié, du travail. Elle a été le parent, l’enfant, le frère ou la sœur, l’ami de multiple autres. Elle a tantôt été au centre d’un réseau, tantôt enserrée de multiples filets. Ils existent toujours, malgré sa défaillance. Et elle y a toujours sa place qui ne peut être effacée. Ne serait-ce qu’à ce titre, la personne malade doit toujours être considérée comme faisant partie de la sphère vitale commune tant par son entourage direct (qui, le plus souvent d’ailleurs, ne l’oublie pas) que par les directives politiques et par l’entourage social non concerné directement, constitué par ceux qui ont la chance (pour un temps) d’user pleinement de toutes leurs facultés ».
Réalités familiales , décembre 2008.