Maltraitance : éthique , médecine et lien social (2) Octobre 2009
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Jacques Soubeyrand, rappelant la propension de l’être humain à être maltraitant pour ses semblables, estime que « la maltraitance est une maladie sociale non infectieuse, mais contagieuse et transmissible.Qu’il est possible d’être inconsciemment maltraitant, ne serait-ce que par maladresse, mais que l’on peut aussi y prendre du plaisir. Qu’un ordre donné émanant d’une personne ayant autorité peut obérer tout sens moral et représenter un excellent alibi d’exécution. Une formation spécifique à la prise en charge des personnes âgées devient donc indispensable, un simple bénévolat étant appréciable mais bien insuffisant ». Selon Jacques Soubeyrand, les médecins, désemparés face à la maltraitance, doivent retrouver la dimension humaine et éthique de leur métier et agir en « contre-feu » : « Le devoir de signalement ne doit pas être vécu comme un acte de délation, mais comme la première étape d’une démarche thérapeutique efficace. Un certificat médical adressé au Centre communal d’action sociale (CCAS) de la mairie de secteur, structure qui dispose d’un espace service aînés, permet le déclenchement d’une enquête sociale. Complémentaire de cette démarche, une stratégie d’information va s’avérer intéressante. Elle s’inscrit dans la relation médecin-patient. Elle a pour but de développer avec les familles une communication par laquelle il devient possible d’expliquer l’importance d’une osmose intergénérationnelle, par exemple ». Jacques Soubeyrand insiste sur le « rôle de lien social que la médecine a vocation à assumer », et demande qu’elle retrouve « cette dimension humaine que l’essor technologique a eu tendance à lui faire oublier. A quoi sert-il de soigner des personnes âgées si elles continuent à être confinées dans des conditions de maltraitance qui auront pour effet des rechutes, des récidives et, à terme, une évolution fatale dans la douleur et l’indignité ? Mourir, oui ; crever, non. Entre ces deux états certes identiques par le résultat, il existe une différence essentielle, celle d’une dimension éthique indispensable à la bonne santé d’une société ».
Le Monde, 23 octobre 2009. www.agevillagepro.com, 26 octobre 2009.