Le notaire, la cliente, Alzheimer et vieilles dentelles

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 novembre 2009

Rose C. est née en 1915, s’est éteinte en 2008 et a eu longtemps pour ami un notaire, qui a repris l’étude où elle a été secrétaire. En 2005, Rose procède à la vente de deux terrains. Bien entendu, elle confie le dossier à son ami notaire, qui découvre alors l’ampleur de sa fortune : 1.3 million d’euros. S’ensuit une relation plus intime. Une véritable métamorphose pour Rose. La vieille dame, d’ordinaire économe, se met à acquérir de l’art : un tableau, une statuette, des gouaches… Des cadeaux pour celui qu’elle porte aux nues : son notaire, qui devient sa personne de confiance et à qui elle confie son chéquier. Survient une désagréable chute… Rose est placée en maison de retraite. Dans l’établissement, on s’étonne un peu des relations entre la cliente et son notaire. Ils se tiennent par la main. Elle lui lance des regards langoureux. A quatre-vingt-dix ans ans, Rose ne cache pas ses projets : un mariage, des enfants. C’est là que la direction de la maison de retraite débusque un passager clandestin, le troisième protagoniste : Alzheimer. Une procédure de mise sous tutelle est lancée. Les visites du notaire vont s’espacer. La gérante de tutelle sonne l’alarme : la fortune de Rose a été amputée de deux cent quarante mille euros. Des présents, on est passé au paiement d’impôts locaux, de charges ou de travaux pour des immeubles d’un notaire ayant créé vingt-trois sociétés civiles immobilières. Le dernier cadeau ? Un testament en forme d’épée de Damoclès : si les héritiers réclament des comptes au notaire, ce dernier deviendra légataire universel. Ces dernières volontés ont été annulées par le tribunal de grande instance de Lille. Patrick Losfeld, l’avocat de l’Ordre régional des notaires, s’est constitué partie civile contre son confrère. L’avocat de la défense souligne que « tout a été remboursé ». Le notaire sera finalement condamné à un an de prison avec sursis, cinquante mille euros d’amende et une interdiction d’exercer de cinq années.

La Voix du Nord, 27 novembre 2009.