Dépasser la mort sociale de la démence par le langage (2)
Société inclusive
Daniel George s’engage : « ma responsabilité n’est pas simplement de faire converger notre compréhension sociétale de la démence autour d’une imagerie plus positive, mais plutôt de doter les professionnels de santé, les familles et les personnes affectées par le vieillissement cérébral de choix linguistiques différents pouvant mieux faire coïncider notre façon habituelle de parler avec la réalité de la science et l’humanité partagée. Choisir de nouveaux modèles de langage peut façonner nos pensées, nos attitudes et nos actions envers nos voisins vieillissants et nos propres cerveaux vieillissants, pour faire émerger une réalité légèrement différente et affirmant davantage la vie, qui nous connecte à ceux qui vieillissent plutôt que de hâter leur mort sociale ».
Pour dompter notre anxiété concernant le vieillissement cérébral, nous pourrions essayer de réviser notre langage militariste. Au lieu de poursuivre une « guerre sociétale », que la plupart des experts jugent ingagnable (compte tenu de l’hétérogénéité de la pathologie de la maladie d’Alzheimer autant que de son recouvrement indéniable avec les processus normaux de vieillissement du cerveau), nous pourrions changer nos attentes, entre absolument « guérir » ou humblement « retarder » les effets les plus débilitants du « syndrome » de vieillissement cérébral, ce que l’on peut faire en modifiant les facteurs de risque connus, biologiques, psychosociaux et environnementaux, tout au long de la vie. Opter pour le concept de « retarder » peut nous éloigner des mots belliqueux tels que « prévenir », « stopper », « inverser », « lutter », « arrêter » et « guérir », qui promettent plus que la science ne peut offrir, tout en rendant métaphoriquement le cerveau comme un siège de violence. Le fait que nous succombions tous, à un certain degré, aux changements neuropathologiques peut entretenir une capacité plus grande à ressentir l’interdépendance et la solidarité envers ceux qui sont les plus profondément affectés par la maladie, plutôt que de désigner des individus comme une sous-espèce « malade » portant l’étiquette « Alzheimer ».
George DR. Overcoming the social death of dementia through language. Lancet 2010; 376(9741):586-7. 21 août 2010. Texte intégral sur www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(10)61286-X/fulltext.