Dépasser la mort sociale de la démence par le langage (1)
Société inclusive
Il est rarissime que la revue médicale Lancet publie des articles de sciences humaines. Daniel George, titulaire d’une maîtrise de sciences et d’un doctorat en anthropologie médicale de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni), professeur assistant en humanités médicales au Penn State College of Medicine (Hershey, Pennsylvanie, Etats-Unis), est lauréat du second prix 2009 décerné conjointement par Alzheimer’s Disease International et la Fondation Médéric Alzheimer, pour une recherche visant à améliorer la qualité de vie des personnes malades au moyen d’une intervention bénévole intergénérationnelle. Il est co-auteur, avec Peter Whitehouse, du livre The myth of Alzheimer’s : what you aren’t being told about today’s most dreaded diagnosis, publié en 2008.
Pour Daniel George, la langue de tous les jours que nous utilisons pour décrire la démence façonne nos perceptions du vieillissement cérébral et contribue même à ce que l’on a appelé la « mort sociale » des personnes les plus gravement atteintes. Guidés par le langage militaire, nous en sommes arrivés à voir les personnes atteintes de démence comme des « victimes » ravagées par une maladie singulière en maraude. La maladie d’Alzheimer est personnifiée comme une « voleuse d’esprit » qui « attaque » ou « frappe » les cerveaux des individus, laissant dans son sillage des plaques et des fibrilles. On peut apprécier l’utilité de telles métaphores primales, tant pour exciter l’intérêt de ceux qui contrôlent les caisses publiques, que pour réconforter ceux qui observent des changements inexplicables chez un être cher. Cependant, si la maladie d’Alzheimer fait partie d’un spectre de processus graves du vieillissement du cerveau, et si de telles métaphores guident des sentiments d’hostilité et de crainte envers ces processus naturels, alors l’on pourrait dire que les métaphores guerrières, qui prévalent tant dans notre culture, diabolisent notre propre susceptibilité humaine envers les processus du vieillissement, tout en personnifiant ces processus comme quelque chose qui nous serait étranger.
George DR. Overcoming the social death of dementia through language. Lancet 2010; 376(9741):586-7. 21 août 2010. Texte intégral sur www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(10)61286-X/fulltext.