In memoriam Septembre 2010
Société inclusive
Robert Butler, ancien directeur de l’Institut national du vieillissement américain (NIA), est mort d’une leucémie à l’âge de quatre-vingt-trois ans. L’inventeur du mot « âgisme » a défendu durant plus de cinquante ans les droits des personnes âgées. Ses parents s’étant séparés quand il avait onze mois, il a été élevé par ses grands-parents. Un jour, à l’école de médecine, il a été révolté par l’attitude de ses professeurs, qui parlaient de personnes âgées comme des « vieux croulants » (crocks), des personnes « finies » : « tout était fait pour nous faire rencontrer des patients moyennement âgés, parce qu’on nous enseignait que l’on ne pouvait rien faire pour les plus vieux, qui n’étaient pas jugés comme un bon matériel pédagogique », expliquait-il. Dans les années 1950 et 1960, à l’Institut national de santé mentale, il a travaillé à la première étude globale à long terme sur les personnes âgées vivant à domicile, qui a démontré notamment que la sénilité n’est pas une conséquence inévitable de l’âge. En 1976, après plusieurs années d’enseignement et de pratique libérale, il est devenu le premier directeur du NIA. Il était déjà devenu un personnage public, d’une part à travers sa contribution auprès de la commission spéciale sur le vieillissement au Sénat et au Centre de droit et de politique sociale, et d’autre part à travers ses livres. Dans son ouvrage Why Survive? Being Old in America (Pourquoi survivre ? Etre vieux en Amérique), pour lequel il a obtenu le prix Pulitzer, il écrivait : « la tragédie du grand âge n’est pas le fait que chacun d’entre nous doive vieillir et mourir, mais que ce processus est rendu douloureux, humiliant, débilitant et isolant, en raison de l’insensibilité, de l’ignorance et de la pauvreté ». Un autre ouvrage, Sex after 60, écrit avec son épouse Myrna Lewis et publié en 1976, a fait scandale. Au NIA, Robert Butler avait mis en place un vaste programme de recherche fondamentale, biomédicale, sociale et comportementale, et avait placé la maladie d’Alzheimer parmi les priorités de recherche aux Etats-Unis. En 2010, il avait introduit le thème de la démence au forum économique mondial de Davos (Suisse). Richard Hode, l’actuel directeur du NIA, rappelle : « il a bousculé le statu quo, en regardant ce qu’il était possible de faire dans la dernière partie de la vie, pas ce qui pourrait être perdu ».
Lancet 2010 ; 373 (9741), 588, 21 août 2010.