Le pays de l’absence, de Christine Orban Janvier 2011
Société inclusive
« Maman n’est plus dans son regard », écrit Christine Orban. « Ce regard, je n’ai pas le droit de le surprendre, le regard qui part, qui ne voit rien ou qui voit tout ». Sa mère a soixante-treize ans, a été très belle, a séduit beaucoup d’hommes et vit au Maroc dans des conditions fort agréables, et elle vient à Paris pour les fêtes de Noël chez sa fille, son mari et ses deux enfants. Elle a emporté avec elle un tout petit singe que les enfants marocains voulaient tuer et qu’elle extirpe de sa manche: une peluche. « Ce qui est le plus fascinant ou le plus terrible dans ce témoignage », écrit Bernard Pivot, « c’est, quel que soit l’amour d’une fille pour sa mère, la quasi-impossibilité de vivre juste pour celle qui a gardé toute sa raison. Trop patiente ou trop impatiente. Rarement à la bonne distance ou à la bonne hauteur. Trop accommodante ou trop sévère. Comment rester la fille d’une femme dont elle est en quelque sorte devenue la mère ? Comment répondre aux questions incessantes, répétitives, obsessionnelles d’une vieille dame qui ne sont pas sans rappeler les questions des enfants autistes ? Comment réagir à ses échappatoires, à ses obsessions, à ses contradictions, à ses bouffées de vie, à ses désirs vacillants, à son enfermement ? Comment parler sa langue ?»
Orban C. Le Pays de l’absence. Paris : Albin Michel. 171 p. ISBN 978 2 226 21866 7. Janvier 2011. Le Journal du dimanche, 23 janvier 2011.