Inversion des rôles

Hubert Prolongeau, du Nouvel Observateur, s’est plongé dans le quotidien des aidants. On dit « aidants naturels » ; mais c’est tout sauf naturel, explique Mme Klein, psychologue à la Villa Pia, un centre d’accueil de jour de Bordeaux. Il y a des glissements de rôles et de génération. Les enfants doivent porter la main sur le corps de leurs parents – c’est transgresser un tabou – et pour se confronter à des tâches très crues. Armelle, quarante-et-un ans, devenue « l’aide-soignante » de son père, témoigne : « rien dans nos rapports ne m’avait préparée à ça ». Psychologiquement, c’est encore plus dur : la lente disparition de la mémoire, l’inversion des rôles, l’agressivité, la confrontation aux confidences non désirées, à l’aveu de diverses infidélités, aux vérités qui ressortent : « il n’avait plus de pudeur. J’ai appris des tas de choses que je n’avais aucune envie de savoir. Et j’imagine avec terreur que ma mère, un jour, les apprendra sans doute aussi » ». Et par-dessus-tout, une intense culpabilité : « vais-je bien faire, est-ce ma faute ? »

http://tempsreel.nouvelobs.com, 21 septembre 2011.