Le regard et les mots (1)
Société inclusive
Blandine Prévost, malade jeune, a ouvert avec un texte fort les journées de l’Université d’été organisées par l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. « Le regard que l’on porte, les mots que l’on utilise sont importants », explique Blandine Prévost, qui se présente de trois façons différentes : « Bonjour, je m’appelle Blandine et j’ai trente-huit ans, je suis ingénieure en électronique, mariée à un homme extra, Xavier, et l’heureuse maman de trois enfants… » ; « Bonjour je m’appelle Blandine, je suis atteinte d’une maladie apparentée Alzheimer, et ai été diagnostiquée il y a bientôt trois ans » ; « Bonjour, je m’appelle Blandine, je suis démente… » . Le regard que vous allez poser sur moi est certainement différent si je me présente à vous d’une façon ou d’une autre. Et pourtant les trois sont vraies… Mais avant d’être une malade de plus, je suis avant tout une personne, complètement, entièrement. Comme chacun d’entre vous, j’ai des rêves, et par-dessus tout j’aime la vie. Et certes, j’ai une particularité, une petite distinction, un petit plus… une foutue maladie qui va peu à peu me faire disparaître à vos yeux. Peu à peu, on va parler de moi en ma présence, sans même avoir la décence de me consulter ou de baisser la voix, on m’animera, on m’infantilisera. Car je vais disparaître derrière cette maladie. Si je sais que je vais disparaître derrière cette maladie, c’est parce que mon papa a été diagnostiqué il y a huit ans, il est aujourd’hui très fortement dépendant, et je vois donc combien il est difficile de garder à l’esprit que derrière le malade il reste une personne ». Blandine Prévost poursuit : « Certes, actuellement j’arrive encore à cacher cette maladie, mais pour autant, le regard des gens, et de mes proches, a changé. Qui d’entre vous n’a pas cette semaine oublié ses clés, de poster le courrier, ou encore d’acheter le pain… Moi, si j’oublie d’acheter le pain, on me regarde gravement : « c’est la maladie qui progresse… » Que nenni ! J’ai juste oublié d’acheter le pain… Rien de pathologique là-dedans, enfin, pas toujours !
Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. www.espace-ethique-alzheimer.org, 13 septembre 2011.