De la maltraitance à l’enfermement sur soi (2)

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
01 décembre 2010

Pour Pierre Le Coz, « la maltraitance se reconnaît aux retentissements psychologiques néfastes et durables qu’elle produit, y compris en l’absence de conduites agressives de la part d’autrui : cauchemars, paroxysmes anxieux inexpliqués, impossibilité de se projeter dans l’avenir. En d’autres termes, il y a maltraitance dès l’instant où je ressens de l’angoisse, même quand celui qui me maltraite n’est pas là. Il y a maltraitance lorsque le seul fait de penser à lui, d’imaginer qu’il va revenir me rendre visite, suscite en moi crainte, tourment, appréhension de ce qu’il va me dire. Cette angoisse peut s’installer dans la chronicité, revêtir une allure dépressive et me conduire au mutisme, au repli dans les ténèbres de l’intériorité. Il arrive que la personne maltraitée ne parle plus parce qu’elle s’enferme en elle-même. Les soignants parlent d’un syndrome de glissement. Le silence déshumanise car un homme seul est en mauvaise compagnie, selon l’expression de Paul Valéry. La maltraitance déshumanise sans faire perdre notre humanité. On reste humain jusque dans son enfermement. L’humain a cette particularité de s’enfermer en lui-même et dans son enfermement il nous parle encore de ce que c’est qu’être humain ». Pour Pierre Le Coz, « cette délimitation en première approximation du concept permet de situer hors du champ de la maltraitance des pratiques infantilisantes telles que le tutoiement. Le tutoiement peut prendre des formes inacceptables et il est heureux qu’il soit remis en question de nos jours. Mais le tutoiement relève plus de la discourtoisie, de l’indélicatesse ou d’un manquement aux codes de la civilité que de la maltraitance. Cela ne signifie pas que la parole ne renferme pas la possibilité de maltraitance. La façon dont nous parlons à nos aînés, le ton que nous utilisons pour leur adresser la parole peuvent blesser, humilier, rabaisser, alors que prendre la main, adresser un sourire sont autant de façons de rétablir la symétrie dans un dialogue ». La maltraitance est-elle une fatalité ? s’interroge le philosophe. « Nous avons sans doute des prédispositions à l’agressivité. Mais parce qu’il existe en chacun la possibilité de se transformer, nous avons raison de croire que nous pouvons améliorer ceux qui sont maltraitants et, par voie de conséquence, que nous pouvons changer la situation de ceux qu’ils blessent dans leur intégrité physique et psychique ».

Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Actualités n°2. Décembre 2010. www.espace-ethique-alzheimer.org