De la maltraitance à l’enfermement sur soi (1)

Droit des personnes malades

Date de rédaction :
01 décembre 2010

Pour Pierre Le Coz, professeur de philosophie à la Faculté de médecine de Marseille, vice-président du Comité consultatif national d’éthique et membre du comité de pilotage de l’EREMA, « la maltraitance est un concept élastique, dont il est difficile de tracer les contours. Ce n’est pas un concept qui décrit objectivement un phénomène. Il entre une composante subjective et qualitative dans le diagnostic ou l’évaluation de la maltraitance. C’est ce qui rend quasiment impossible toute tentative de mesure quantifiée et de froide impartialité en la matière. Pour autant, il serait dangereux de trop subjectiviser le concept de maltraitance. Il ne faut pas se servir de sa relativité pour qualifier le moindre geste de nervosité ou la moindre parole déplacée de maltraitance », prévient Pierre Le Coz. « Car plus un terme recouvre de conduites, plus il se galvaude et perd sa consistance. Si tout est maltraitance, plus rien n’est maltraitance. L’inflation du terme menace de jeter le soupçon sur tous ceux qui demandent réparation et exigent de nous du soutien et de l’hospitalité, à commencer par les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. La maltraitance doit donc être définie. On peut dire qu’elle consiste à infliger à autrui une souffrance qui ne fait pas sens pour lui. Cette souffrance peut être de nature morale, sans coups ni blessures physiques. Maltraiter, c’est infliger à autrui un mal qui est sans contrepartie bénéfique. Il existe des souffrances que l’on peut et que l’on doit accepter d’endurer dans la vie. Ce sont les souffrances qui font mûrir ». Rousseau écrit dans L’Émile : « qui ne sait supporter un peu de douleurs doit s’attendre à beaucoup souffrir dans la vie ». Pour Pierre Le Coz, « la maltraitance commence là où le mal qu’on va me faire subir conduit à m’affaiblir, à m’enfermer sur moi-même ».

Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Actualités n°2. Décembre 2010. www.espace-ethique-alzheimer.org