La valeur de la parole de l’autre (1)
Droit des personnes malades
Pour Catherine Ollivet, présidente de l’association France Alzheimer 93, coordinatrice du groupe de réflexion Éthique et société – Vieillesse et vulnérabilités à l’Espace éthique/AP-HP et membre du comité de pilotage de l’EREMA, « la maladie d’Alzheimer affecte dramatiquement les facultés de communication d’une personne. Maladie générant de l’isolement, l’île à la dérive n’est pas habitée du seul malade. Viennent y vivre aussi les proches, ces aidants familiaux surinvestis dans leur mission au point de s’y engloutir, ces professionnels du soin et de l’aide compétents et volontaires qui supportent l’étonnement de leurs collègues pleins de commisération pour leur engagement dans une telle spécialité. Les vulnérabilités psychiques, physiques et sociales s’additionnent pour attaquer en tout premier la validité de la parole du malade.
Le diagnostic de « maladie d’Alzheimer ou maladie apparentée » dévalue ipso facto la parole de la personne qui en est atteinte. Fabrice Gzil, au cours d’un colloque organisé par l’Espace éthique/AP-HP à l’occasion de la publication de sa Charte Alzheimer Éthique et société, a souligné, à juste titre, qu’au contraire c’était une présomption de validité qui devrait toujours prévaloir et non un soupçon immédiat. La présomption de compétence est un impératif éthique dans un premier temps, affirmant ainsi la valeur de la parole de l’autre. Mais vient immédiatement après un second impératif éthique affirmant alors le respect de la personne malade : après une évaluation précise de ses atteintes, revue régulièrement en fonction de l’évolution inexorable de la maladie et des possibilités offertes par l’environnement matériel et humain de ce malade, cette évaluation doit aussi révéler toutes ses capacités restantes, confirmer que le champ du toujours possible existe et est reconnu comme tel, valider ainsi une dignité intrinsèque toujours présente. Ne perdons pas de vue que tout diagnostic de nature à remettre en cause la parole d’une personne est très lourd d’enjeux.
Ne nous rassurons pas en faisant semblant de croire que la personne ne souffre pas. Sous prétexte de sa maladie, elle ne peut accepter d’être désignée comme totalement déficitaire, du jour au lendemain, au point de lui dénier même sa capacité à exprimer des préférences dans les choses les plus simples de la vie quotidienne, comme ce qu’elle souhaite manger ou les vêtements qu’elle aime porter. D’autant que l’on peut aussi s’interroger sur la validité de notre jugement sur cette compétence reconnue à la personne malade : la tentation est grande de la considérer comme lucide lorsque sa réponse va dans le sens que nous souhaitons… et de l’invalider lorsqu’elle s’oppose à ce que nous considérons comme lui étant nécessaire pour son bien ou dans son intérêt ».
Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. Actualités n°2. Décembre 2010. www.espace-ethique-alzheimer.org