A quoi servent les médicaments spécifiques de la maladie d’Alzheimer ? (3)
Droit des personnes malades
Le Professeur Jean-François Dartigues, neurologue à l’Université Victor-Segalen de Bordeaux, estime que l’on a encore beaucoup à apprendre et qu’il serait dommage de se passer de ces médicaments, d’autant plus qu’il faudra attendre des années avant de pouvoir disposer d’autres molécules. Le Professeur Bruno Dubois, responsable du Centre des maladies cognitives et comportementales et de l’Institut de la mémoire et de la maladie Alzheimer à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris, met en avant de nouvelles données d’efficacité, issues d’un essai clinique français, mené auprès de deux cent seize personnes atteintes d’un déficit cognitif léger, et montrant que le donépézil à 10 mg/jour pendant un an permet de réduire significativement l’atrophie de l’hippocampe (-1.89% pour les personnes traitées par le donépézil contre -3.74% pour les personnes sous placebo). Pour autant, les résultats, présentés à la conférence internationale sur la maladie d’Alzheimer de Paris en juillet 2011, ne montraient aucun effet significatif du médicament sur l’ensemble des mesures cognitives. Pour le Professeur Florence Pasquier, du Centre mémoire de ressources et de recherche au CHU de Lille, « la vitesse d’évolution de la maladie est variable d’une personne à l’autre. Mais on a l’impression que les malades qui les prennent peuvent en tirer un bénéfice. Le service médical rendu est faible, mais pas nul. On ne peut pas dire que ces traitements soient inutiles ». Le professeur Olivier Saint-Jean, chef du service de gériatrie à l’hôpital européen Georges-Pompidou de Paris, trouve au contraire « totalement scandaleux de rembourser plus de deux cents millions d’euros par an pour des traitements qui ne servent à rien » : selon lui, « il vaudrait mieux investir cet argent pour financer des auxiliaires de jour, des soins aux patients, des aides aux familles ». Pour le professeur Joël Ankri, gériatre à l’hôpital Sainte-Périne de Paris, le sujet est difficile : « ce sont des médicaments symptomatiques : par rapport à rien, ils apportent un petit plus, pour un petit nombre de patients. Le risque d’un déremboursement, c’est de faire déplacer les prescriptions vers des produits comme les neuroleptiques, plus dangereux ». La demande des patients et de leur famille en médicaments est énorme. Mais faut-il répondre à cet appel, quitte à donner de faux espoirs ? s’interroge-t-il.
Le Monde, 21 septembre 2011. La Revue du Praticien, septembre 2011. www.lepoint.fr, 26 septembre 2011.