Dépendance : les jeunes doivent-ils payer ?
Droit des personnes malades
Pour Manuel Plisson, chercheur au laboratoire LEDA-LEGOS de l’Université Paris-Dauphine (chaire Risques et chances de la transition démographique), « le problème que pose le financement de la dépendance n’est pas tant le problème des seniors d’aujourd’hui que celui des jeunes actifs qui seront les contributeurs de demain ». En France, la répartition des richesses est déséquilibrée en faveur des seniors. Les personnes âgées de plus de soixante ans ne représentent que 20% de la population mais perçoivent l’équivalent de 15% du produit intérieur brut (PIB) via les transferts intergénérationnels alors que les 80% restants (personnes âgées de moins de soixante ans) ne bénéficient que de 20% du PIB. Ce déséquilibre est accentué par une forte redistribution des pouvoirs publics en faveur des seniors. Les inégalités intergénérationnelles sont également amplifiées par la concentration des patrimoines au sein des catégories les plus âgées. Manuel Plisson propose plusieurs pistes : aligner la CSG des retraités sur celle des actifs, taxer davantage les plus-values immobilières, rééquilibrer la fiscalité du patrimoine sur celle du travail ou taxer autrement les successions, par exemple en privilégiant fiscalement les donations vers les plus jeunes plutôt que de privilégier la fiscalité sur l’héritage. Ce type de ponction inciterait à un transfert du patrimoine vers les petits enfants et non uniquement vers les enfants âgés. Les jeunes pourraient donc hériter plus tôt de leurs grands-parents, ce qui faciliterait les projets des enfants bénéficiaires comme la création d’entreprise ou l’acquisition du logement. Pour l’économiste, si les jeunes disposent d’un fort niveau d’éducation, d’une productivité élevée et d’emplois stables, ils pourront financer la dépendance de leurs parents, que ce soit par des transferts publics ou privés, ce qui ne peut pas être le cas aujourd’hui, avec près de 23 % des jeunes âgés de six-huit à vingt-cinq ans en situation de précarité, voire d’exclusion du marché du travail. Dans un destin commun, « par solidarité ou par intérêt, les dépendants de demain ont intérêt à ce que les jeunes actifs d’aujourd’hui soient placés dans des conditions qui leur permettent d’exploiter au mieux leur talent et leur productivité », conclut-il.
Le Monde, 30 novembre 2011.www.lemonde.fr/idees/article/2011/11/22/les-jeunes-doivent-ils-payer-la-dependance-des-personnes-agees_1607197_3232.html (texte intégral).