Le dépistage précoce est-il utile ?

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Date de rédaction :
01 juillet 2010

Le docteur Marc Zaffran (aussi connu sous son nom de plume Martin Winckler, auteur du roman La maladie de Sachs) est médecin de famille. Il vit à Montréal depuis 2009. Sur le blog www.passeportsante.net, il invite à la précaution en matière de surdiagnostic de la maladie d’Alzheimer. Pour lui, un dépistage précoce serait triplement choquant : on ne sait pas encore (ce n’est pas prouvé, ce n’est qu’une hypothèse) si une maladie d’Alzheimer peut être « anticipée » sur la base de signes annonciateurs, qu’ils soient biologiques ou radiologiques ; deuxièmement, on ne connaît pas suffisamment ces signes annonciateurs d’une maladie d’Alzheimer chez un individu en pleine santé ou malade ; ces deux réserves ont une conséquence immédiate : toute personne incitée à « se faire dépister » (par des PET scans, des IRM, des ponctions lombaires ou d’autres tests) tandis qu’elle n’a aucun symptôme sera, de fait, traitée comme un cobaye en observation, puisqu’elle sera examinée pour répertorier des signes encore inconnus, et de créer une angoisse injustifiée chez la majorité des personnes, écrit Martin Winckler. Enfin, ajoute-t-il, « la troisième raison pour laquelle l’incitation à élargir les critères (et le « dépistage ») de la maladie d’Alzheimer est dangereuse est encore plus évidente. À ce jour, aucun traitement médicamenteux n’a montré la moindre efficacité dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. Par conséquent, même si on était capable d’en faire le pronostic sur des symptômes précoces, quel pourrait en être l’intérêt pour les personnes concernées, en dehors de créer angoisse, désespoir et catastrophes en séries : les assurances pourraient refuser de les assurer (ou décider d’augmenter leurs primes de manière démesurée); les personnes qui ne veulent pas vivre avec un(e) futur(e) malade refuseraient de se lier avec elles; les employeurs qui craindraient de leur confier un travail ne les embaucheraient plus ». Martin Winckler prévient : « on ne peut pas vivre en cherchant sans arrêt à savoir quelles épées de Damoclès (réelles, fictives ou hypothétiques) sont suspendues au-dessus de notre tête. On ne peut donc pas, sous prétexte d’identifier une maladie d’Alzheimer débutante, s’exposer à être étiqueté ou mis au ban de la communauté au vu d’images de PET scan qu’il sera probablement impossible d’interpréter de façon fiable avant plusieurs dizaines d’années ». Pour Martin Winckler, la vie, risquée par essence, est « trop précieuse pour la confier pieds et poings liés à des médecins qui jouent aux devins – et aux apprentis sorciers ».

Blogue.passeportsante.net, 26 juillet 2010.