Souffrance morale
Société inclusive
« Qu’elle s’exprime par des bouffées d’angoisse ou une agitation, la souffrance morale, souvent présente dans la maladie d’Alzheimer, peut être soulagée. En France, l’accent a été mis ces dernières années sur la prise en compte de cette détresse qui accompagne la perte du contrôle de soi. La moitié des patients présenteraient des symptômes d’anxiété ou de dépression. « Les modalités d’expression de cette douleur varient selon la personnalité, plus ou moins fragile, et l’histoire personnelle du malade », remarque Thierry Gallarda, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris. Chez certains, la perte progressive de la mémoire déclenche une grande tristesse, une culpabilité et un sentiment de déchéance. «C’est comme le cancer, ça commence petit puis ça vous ronge », confie une jeune malade, interrogée par l’INPES après l’annonce de son diagnostic. D’autres mettent en place des mécanismes de défense pour adoucir la réalité. «Ne plus sortir, pour éviter de se perdre, ou mettre ses oublis sur le compte du vieillissement, sont des stratégies qui permettent de supporter la maladie», témoigne Judith Mollard, psychologue de France Alzheimer, qui plaide pour une véritable formation des familles au décodage de la souffrance psychique. Le regard de l’entourage est en effet déterminant. Selon la psychologue, « il est important de ne pas renvoyer les malades à leurs incompétences, car ils y sont extrêmement sensibles, et de ne pas sous-estimer l’angoisse ».Le décryptage devient de plus en plus difficile avec l’évolution de la maladie. «Au fur et à mesure du déclin cognitif, l’expression de la souffrance psychologique devient plus affective, plus archaïque », selon Christophe Arbus, psychiatre au CHU de Toulouse.
Le Figaro, 21 septembre 2012.