Le vieux roi en son exil, d’Arno Geiger
Société inclusive
Les premiers signes avant-coureurs de la maladie sont apparus au milieu des années 1990 sans inquiéter personne dans l’entourage d’August Geiger, né dans une famille paysanne autrichienne marquée par la guerre. Les enfants ont bien constaté les trous de mémoire du père, de plus en plus nombreux, mais ils les ont mis sur le compte d’un laisser-aller général », écrit Marie-Laure Delorme, du Journal du dimanche. Mais August Geiger n’était pas distrait à dessein, et il a fallu se rendre à l’évidence : il souffrait de démence. Les enfants vont passer de l’agacement à la compassion. « Nous vitupérions la personne quand c’était la maladie », écrit le romancier Arno Geiger, qui analyse les changements provoqués au sein de la famille, le « quotidien tragi-comique du malade », le « sens de l’attente », « l’effondrement intérieur (perte des repères) et extérieur (perte des valeurs) ». « Voici à peu près comment je me représente la démence en cette phase moyenne où mon père se trouve en ce moment : c’est comme si l’on vous arrachait au sommeil, on ne sait pas où l’on est, les choses tournent autour de vous, les pays, les êtres, les années. On s’efforce de s’orienter mais l’on n’y parvient pas. Les choses continuent de tourner, morts, vivants, souvenirs, hallucinations semblables à des songes, lambeaux de phrases qui ne vous disent rien – et cet état ne cesse plus du reste de la journée. »
Arno Geiger part à la rencontre de son père, en essayant de jeter un pont vers cet état de démence dans lequel ce dernier est plongé depuis des années. « La maladie d’Alzheimer va jouer un rôle inverse à celui attendu, en rapprochant père et fils : ils se parlent et se touchent, enfin. Et c’est au cœur du récit d’Arno Geiger : le temps vaut de l’or.
L’écrivain note tout sur son cahier : « ce que je lui donne, il ne peut pas le retenir. Ce qu’il me donne, je le retiens de toutes mes forces ». Le vieux roi en son exil est une histoire de double mémoire : un père qui oublie tout et un fils qui n’oublie rien », souligne la journaliste.
Le Journal du dimanche, 14 octobre 2012.Geiger A. Le vieux roi en son exil. Le Lay O(Trad.).Paris : Gallimard. 2012. 180 p. ISBN 978-3-446-23634-9.