Immigrés maghrébins vieillissants : adapter les tests à la langue et à la culture

Société inclusive

Date de rédaction :
01 octobre 2012

« La maladie d’Alzheimer est en général mal perçue par les familles de culture musulmane, qui décident souvent de garder les malades chez eux ». À l’hôpital, comment les soignants peuvent-ils communiquer avec des personnes âgées immigrées qui ne parlent plus le français et ne comprennent que l’arabe ? Comment évaluer la gravité de la maladie d’un patient immigré si ce dernier a passé un test en français, alors qu’il ne comprend plus la langue ? Il risque d’être classé dans une phase avancée alors que son état pourrait être beaucoup moins grave. Il faut aussi former des médecins et infirmières parlant l’arabe. Mélissa Barkat-Defradas, linguiste et chargée de recherches au CNRS à l’Université de Montpellier, d’origine franco-algérienne, explique qu’il n’existe pas de tests neuropsychologiques en langue arabe et qui soient adaptés à la culture du patient immigré. « Je vous donne un exemple. Lors de ces tests, on montre parfois des photos d’animaux pour savoir si le patient se souvient du nom de cet animal. Mais si on lui montre l’image d’un cochon, comment peut-il se souvenir du nom de cet animal, s’il n’a jamais vu un cochon de sa vie ? ». Durant deux ans, des linguistes, des neuropsychologues, un socio-démographe, des gériatres et des gérontologues vont étudier les effets de la maladie d’Alzheimer sur un échantillon de quatre-vingt-dix personnes immigrées d’origine maghrébine, des Marocains, Algériens et Tunisiens atteints de la maladie d’Alzheimer à différents stades. Ces immigrés sont issus de la première génération, arrivés en France dans les années 1950 pour trouver du travail. Ils ont aujourd’hui entre soixante-dix et quatre-vingts ans. Ce sont également des personnes qui n’ont été scolarisées ni en France, ni dans leur pays d’origine. Elles sont bilingues parlant l’arabe et le français, langue qu’elles ont apprise lors de leur arrivée en France, mais qu’elles ont parfois oubliée. L’équipe a créé des tests spécialement adaptés à la culture et aux connaissances des personnes de l’échantillon. Des entretiens filmés, durant lesquels ces personnes devront raconter certains passages de leur vie afin de mesurer si elles maîtrisent toujours le français, sont également prévus dans le cadre de ce programme, nommé Alibi (Alzheimer, immigration et bilinguisme), conçu en collaboration avec Omar Samaoli, directeur de l’Observatoire gérontologique des migrations et spécialiste de psychiatrie interculturelle.

www.jeuneafrique.com, 8 octobre 2012. Maroc Flash Info, 28 septembre 2012. Institut d’anthropologie clinique. Présentation vidéo du programme Alibi. CNRS Images 2011. http://videotheque.cnrs.fr/index.php?urlaction=doc&id_doc=2857.