Empreintes

Société inclusive

Date de rédaction :
16 avril 2013

La sexualité demeure encore un sujet délicat quand il s’agit de la personne âgée, d’autant plus si celle-ci est touchée par la maladie d’Alzheimer. « Cette dimension de la vie conjugale est très rarement abordée par les conjoints des malades, peut-être par pudeur, peut-être parce que cet aspect du quotidien intime est masqué par de nombreuses autres préoccupations, peut-être aussi parce que les professionnels ne donnent pas le sentiment d’être disposés à entendre de telles confidences ou parce qu’ils sont démunis face à l’expression d’une plainte dans ce domaine », écrivent Marie-Claude Mietkiewicz, maître de conférences  et Madeleine Ostrowski, doctorante en psychologie à l’Université de Lorraine, qui analysent la relation conjugale à l’épreuve de la maladie d’Alzheimer à travers neuf ouvrages autobiographiques de conjoints accompagnant leur époux(se), publiés entre 1992 et 2012, Tous ces récits témoignent des remaniements opérés au sein du couple,  afin de contrer la maladie qui émaille la relation amoureuse. « Divulguer par l’écrit… ou glisser à la folie ? » : pour Serge Rezvani, le refuge dans l’écriture permet d’échapper à l’anéantissement. Mettre des mots sur l’horreur et retrouver le plaisir de la création à travers la mise à distance du désespoir. L’obstacle majeur tient à sa propre incapacité à concevoir une relation sexuelle avec son épouse devenue si étrangère : « Cette femme précaire, en laquelle je ne reconnais presque plus celle que j’ai adorée pendant une vie », « son corps endormi me manque. Sa chaleur, l’odeur de sa peau au parfum de Shalimar me manque. Il suffirait que je monte et me glisse dans le lit, près d’elle… », « Et pourtant, non ! Je ne le peux pas ! Mystérieusement j’ai peur. Peur de ne serrer que l’empreinte de la femme aimée, l’empreinte vidée de son esprit ». L’interrogation formulée par Georges Othily, dans Lettre à Emeraude, est au cœur de tous les récits : « Dans ma tête, les questions s’entrechoquent : l’être aimé, l’être chéri est-il toujours présent dans ce corps qui ne me reconnaît plus ? Les gestes d’amour et de tendresse ont-ils toujours le même sens, si ce corps que je cajole me perçoit désormais comme un étranger ? »

Mietkiewicz MC et Ostrowski M. La relation conjugale à l’épreuve de la maladie d’Alzheimer. Que nous apprennent les écrits des conjoints des malades ? Neurologie Gériatrie Psychiatrie 2013 ; 13 : 93-100. Rezvani S. L’Eclipse. Arles : Actes Sud. Février 2007. ISBN 978-2-7427-6532-4http://actes-sud.fr/catalogue/litterature/leclipse. Othily G. Lettre à Emeraude, Une absence si présente face à la maladie d’Alzheimer. Mai 2009. Paris : L’Harmattan.  60 p. ISBN 978-2-296-08580-0. www.harmattan.fr/ .