Les seniors au cinéma : quelles représentations sociales ?
Société inclusive
« Flambant neuf au début du XXe siècle, longtemps synonyme de glamour et de jeunesse éternelle avant d’être dévolu à la consommation dominante d’un public adolescent, le média se fait donc rattraper au siècle suivant par ce qu’il n’avait jamais cessé de défier : l’âge. L’âge tout à la fois de son public, de ses créateurs, de ses personnages, de ses sujets », écrit Jacques Mandelbaum. « La vieillesse s’invite désormais dans tous les genres, y compris les plus improbables : elle infuse le cinéma dans son ensemble. Elle est surtout regardée comme jamais elle ne le fut : bien en face, dans ce qu’elle signifie d’abandon, de solitude, d’infirmité, de souffrance », comme en témoigne par exemple le film Loin d’elle, de Sarah Polley (2007). « L’exemple canonique est évidemment celui d’Amour (2012), du réalisateur autrichien Michael Haneke, dont la Palme d’or au Festival de Cannes, associée au plébiscite critique et public, marque un moment symbolique dans la reconnaissance d’un tel type de sujet par le cinéma. » Ariane Beauvillard, docteur en histoire contemporaine, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication et ingénieur de recherche à l’Université Rennes-2, explique : « jusque dans les années 1980, la vieillesse, c’est la mort sociale et affective, l’hostilité au changement social, l’archaïsme de la tradition. Ce qui apparaît de plus notable ensuite, parce que le sujet était complètement tabou, c’est la vie sexuelle et la chronique amoureuse. » Faut-il y voir un fidèle reflet des changements qui ont eu lieu dans notre société ? interroge Jacques Mandelbaum ? Ce n’est pas si simple, répond Ariane Beauvillard : « Le cinéma est une loupe grossissante. 50% des personnages âgés à l’écran sont enfermés dans des institutions, alors que le chiffre réel est de 3%. C’est à contre-pied de la réalité sociale. Le cinéma s’appesantit sur des questions qui posent problème : la dépendance, la maladie, l’infirmité. Alzheimer y devient le nom générique de symptômes plus généraux liés au vieillissement et traduit la nouvelle peur collective qui y est associée. »
Le Monde, 4 juillet 2013. www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/04/cinema-le-grand-age-d-or_3442457_3246.html#xtor=AL-32280270. Beauvillard A. Les croulants se portent bien ? Les représentations fictionnelles de la vieillesse au grand et petit écran de 1949 à nos jours. Janvier 2013. 230 p. ISBN : 978-2-35687-186-2. www.editionsbdl.com/les-croulants-se-portent-bien.html.