Personnes âgées dépendantes : la zone grise de la démocratie (1)
Droit des personnes malades
« Si les retraités ne sont pas encore parvenus à construire une parole publique digne de leur poids démographique et politique, au moins les organisations de retraités existent et manifestent à intervalles réguliers leurs positions. En revanche, dès lors qu’il s’agit d’évoquer les droits et la représentation des personnes âgées dépendantes, on entre là dans une “zone grise” de la démocratie », relève le rapport Broussy. Certes, la loi du 2 janvier 2002 a tenté de créer un certain nombre d’outils qui relèvent du droit du consommateur âgé (contrat de séjour, règlement intérieur..) ou du droit de participation (conseil de la vie sociale). Mais, au-delà des discriminations qui peuvent survenir avec l’âge et que l’on peut prévenir à force de vigilance, il convient de s’interroger collectivement sur la capacité à maintenir des droits à des personnes qui perdent progressivement leur autonomie. Surtout, la citoyenneté disparaît totalement dès lors que la personne âgée fait l’objet d’une procédure de mise sous tutelle. Plus de deux cent mille personnes, dont une grande majorité de personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’autres troubles apparentés, sont aujourd’hui dans ce cas en France. Si la curatelle préserve la citoyenneté, la mise sous tutelle emporte, elle, de facto la suppression du droit de vote. Or, de nombreuses personnes âgées sont mises sous tutelle d’abord et avant tout parce qu’elles se trouvent dans l’impossibilité de gérer leur patrimoine. Leur supprimer de surcroît le droit de vote s’apparente à une double peine difficilement justifiable. À moins dès lors d’ôter ce droit à toutes les personnes, quelque que soit leur âge, qui votent avec leurs pieds… Cette injustice, à défaut d’être totalement supprimée, a été amodiée par la loi du 11 février 2005 relative aux droits des personnes handicapées. Les majeurs placés sous tutelle sont toujours dans l’impossibilité d’être inscrits sur les listes électorales “à moins qu’ils n’aient été autorisés à voter par le juge des tutelles”. Bien piètre brèche… », relève le rapport Broussy. « Pour réussir à faire pression sur un gouvernement, mieux vaut être médecin que malade âgée d’Alzheimer. A-t-on déjà assisté à une manif République-Bastille des vieux lésés par un système qui les exclut ? Non. Les fauteuils roulants ont décidément du mal à supporter les pavés parisiens ».
Broussy L. L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : France : Année zéro ! Mission interministérielle sur l’adaptation de la société française au vieillissement de sa population. Janvier 2013. 202 p. Paris : Documentation française. www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000173/0000.pdf (texte intégral).