Droit des malades : initiative éthique (5)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Béatrix Paillot, gériatre au centre hospitalier de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) interroge : « Que devient l’homme quand la maladie semble lui faire perdre ses prérogatives proprement humaines ? Cette question, les malades se la posent eux-mêmes avec une grande acuité, mais elle mobilise également leur entourage, les professionnels de santé et la société toute entière. Selon la réponse donnée, les choix éthiques les plus opposés seront envisagés, allant de l’abandon ou de l’euthanasie « légitimée » jusqu’à l’accompagnement et aux soins palliatifs ». Pourtant, dans des moments fugitifs, mais aussi au fil de la maladie, l’homme se révèle bien souvent sous un jour inattendu. Encore faut-il entendre cette personne qui parfois ne parle plus, mais qui pourrait dire : « Heureux ceux qui respectent mes mains décharnées et mes pieds déformés. Heureux ceux qui conversent avec moi bien que j’aie désormais quelque peine à bien entendre leurs paroles. Heureux ceux qui comprennent que mes yeux commencent à s’embrumer et mes idées à s’embrouiller. Heureux ceux qui, en perdant du temps à bavarder avec moi, gardent le sourire. Heureux ceux qui jamais ne me font observer : « c’est la troisième fois que vous me racontez cette histoire ! ». Heureux ceux qui m’aident à raviver la mémoire des choses du passé. Heureux ceux qui m’assurent qu’ils m’aiment et que je suis encore bon à quelque chose. Heureux ceux qui m’aident à vivre l’automne de ma vie… ». Marie-Claude Caraës, directrice de la Cité du design à l’Ecole supérieure d’art et de design de Saint-Etienne (Loire) s’interroge quant à elle : « Pourquoi s’intéresser aux usages et aux besoins des malades d’Alzheimer ? A priori, la question semble iconoclaste, tant le secteur médical et précisément certains types d’affections comme la maladie d’Alzheimer ont été et sont encore souvent traités sous l’angle exclusif des techniques. Les malades sont malades, ce truisme masque la continuité de la vie comme si cet état transcendait tous les autres, celui d’un être biologique (qui boit, mange, dort), celui d’un être affectif (qui cultive et entretient des relations, les refuse ou en tisse de nouvelles), d’un être moral (avec ses certitudes, ses convictions, ses positions), d’un être économique… Cette question de la continuité de la vie prend un tour radical dans le cas de la maladie d’Alzheimer quand justement les facultés cognitives se dégradent. Et les réponses exclusivement techniques semblent imparfaites à assurer la protection, l’autonomie et le libre-arbitre, le confort, la qualité de vie de ceux qui peuvent facilement être considérés comme des mineurs ».
Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer. http://initiative-ethique.fr/ethique-et-droit-des-malades/ethique-et-droits-des-malades/195-2/, avril 2012.