Les trois sens de l’autonomie

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
01 octobre 2012

Fabrice Gzil, docteur en philosophie et responsable du pôle Études et recherche à la Fondation Médéric Alzheimer, invite à cesser de considérer l’autonomie comme une notion abstraite, et à regarder en situation ce qu’elle signifie. Il propose de distinguer trois sens de l’autonomie : « l’autonomie fonctionnelle, qui recouvre tout ce qu’un individu sait faire (s’habiller, téléphoner, repérer les escrocs, prendre des décisions…) ; l’autonomie morale, qui signifie que l’individu accorde de l’importance à certaines valeurs et mène une vie conforme à ses valeurs (par exemple, l’hospitalité, ou au contraire la vie solitaire) ; l’autonomie politique et sociale, enfin, qui est le pouvoir d’agir dont jouit l’individu dans la société ». Distinguer ces trois dimensions de l’autonomie permet, d’abord, de spécifier ce dont on parle, et conduit à se questionner : « Est-ce que le refus d’entrer en maison de retraite est le fruit d’un désir ou d’une valeur, autrement dit d’une faiblesse de la volonté ou d’une manifestation de la volonté ? » Prendre en compte l’autonomie politique et sociale amène aussi à considérer si des limitations extérieures à elle s’exercent sur le pouvoir de décision de la personne. Le deuxième intérêt de cette distinction est de « montrer qu’il y a un sens à parler d’autonomie même dans les situations les plus défavorables ». L’autonomie morale peut ainsi être conservée même quand la personne ne peut plus prendre de décision : « Les personnes restent attachées à un certain nombre de choses. Ce que la maladie altère, c’est la capacité à implémenter ces valeurs dans leur vie. Même quand la capacité à décider est perdue, la personne peut conserver une capacité d’autonomie et rester capable d’indiquer les choses qui comptent pour elle, même si cela suppose que des tiers prennent des décisions pour elle, conformes à ses valeurs. » Il y a donc un sens à respecter l’autonomie même quand elle est fragilisée dans une ou plusieurs de ces dimensions. Le troisième bénéfice à tirer de cette distinction est de « montrer qu’il y a plusieurs manières de promouvoir l’autonomie des personnes dans le choix des prises en charge. » Dans l’évaluation des aptitudes, notamment décisionnelles, « il faut ainsi se souvenir que cette aptitude dépend de la décision à prendre et du contexte, il ne faut pas demander aux personnes en perte d’autonomie qu’elles montrent une rationalité supérieure à la nôtre en pareilles circonstances ». Pour promouvoir l’autonomie, il faut repérer les valeurs qui sont celles de la personne, en particulier devant un refus de soin ou un refus d’entrer en institution. La dimension sociale ou politique, enfin, implique la présence de quelqu’un qui défende son point de vue (advocacy) et fasse valoir ses droits.

CNSA. Dossier scientifique. Deuxièmes rencontres scientifiques de la CNSA. Aide à l’autonomie et parcours de vie. Synthèse du colloque des 15 et 16 février 2012.  Septembre 2012.

www.cnsa.fr/IMG/pdf/Aide_a_lautonomie_et_parcours_de_vie.pdf(texte intégral).