Fin de vie : les textes de la consultation nationale (7)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« De-mens (privé d’esprit) : lorsque l’esprit se défait, le patient entre d’emblée dans une pathologie grave, évolutive et incurable, correspondant à la définition des soins palliatifs. La maladie d’Alzheimer, par ses spécificités, met au défi la société et les soignants. L’évolution même de la pathologie, non linéaire, grevée de phases d’aggravation et de stabilisation nous interroge sur le concept de fin de vie », écrit Émilie Gilbert-Fontan, chef de clinique à l’unité de soins palliatifs et équipe mobile Résonance du gérontopôle de Toulouse. « Quand peut-on parler de soins palliatifs terminaux ? Cette question est primordiale d’un point de vue éthique, mais également d’un point de vue thérapeutique, puisque certains traitements jugés alors déraisonnables devraient alors être stoppés ou limités. Ce stade peut-il être défini scientifiquement, techniquement, arbitrairement par un score de MMS (mini-mental state examination), une échelle « d’incapacités fonctionnelles », au risque de réduire le patient à sa pathologie ? Doit-on s’appuyer sur l’absence de communication, l’impossibilité de reconnaître ses proches ou la grabatisation ? Est-ce du fait du ressenti des familles ou des soignants ? Au regard de l’évolution de la maladie, extrêmement variable en fonction des individus, qui peut progresser sur de longues périodes en un « long mourir », aucune définition « technique » à cette interrogation ne paraît se dessiner. Dans ces pathologies liées à l’âge, les patients présentent de nombreuses comorbidités et des complications intercurrentes, itératives, qui sont la première cause de décès. Si certains outils, comme des échelles globales peuvent être des aides au pronostic, il semblerait que seule la prudence, la concertation pluridisciplinaire adaptée à chaque individu puissent orienter vers le stade de la pathologie et mener alors à des limitations ou arrêt des thérapeutiques ». Pour la clinicienne, « les patients atteints de démence, vulnérables à l’extrême sont particulièrement exposés à l’exclusion de la société. Dans notre société utilitariste, où la qualité de vie est souvent confondue avec les capacités fonctionnelles et psychiques, la tentation de l’euthanasie est grande. Mais cette vulnérabilité, cette fragilité, cette diminution du « pouvoir être » doivent au contraire entraîner une attention et une sollicitude plus importantes. Voici le défi des soignants et de toute la société ».
Gilbert-Fontan E. Fins de vie dans le contexte de la maladie d’Alzheimer : spécificités, processus d’altération dans la durée. Fin de vie et maladie d’Alzheimer – Les textes de la consultation. Novembre 2012.
www.espace-ethique-alzheimer.org/ressourcesdocs_ethiquedusoin_gilbertfontanfindevie.php (texte intégral).