Fin de vie : les textes de la consultation nationale (6)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« C’est terrible, vous savez madame, de souhaiter la mort de sa mère. » Combien de fois ai-je entendu ces mots dans la bouche d’une fille désemparée, la voix vibrante, entre le cri et le murmure ? témoigne Catherine Ollivet, présidente de France Alzheimer 93. « Lorsque plus rien ne semble rattacher la personne aimée à ce qui se rapprocherait un tant soit peu de la vie, à quoi, à qui s’accrocher pour y croire encore ? Pour penser qu’une telle vie est toujours la vie, comment supporter l’incroyable décalage entre ce que nous voyons de ce corps recroquevillé dans un lit, de ce visage figé, de ces yeux absents, avec les images de vie, de la vie d’avant, imprimées dans notre mémoire de proche aimant, images dont nous avons déjà dû faire le deuil par pans entiers au fur et à mesure que la maladie progressait ? Comment souhaiter pour l’autre que cela dure encore un peu, quelques heures, quelques jours ? Et pourtant : « de grâce, quelques minutes encore, Monsieur le bourreau, que je l’embrasse encore, que je caresse ses cheveux, que je tienne sa main… » Parce que, et contrairement à ce que bien des personne extérieures auraient tendance à croire, les proches aimants hésitent et oscillent entre ces deux « espérances » : que la souffrance morale inouïe qu’ils subissent de cette vie qui n’en est pas une et de cette mort qui ne l’est pas plus, s’arrête enfin, mais aussi que cette main que nous tenons avec tant d’amour, ne devienne pas froide, puis glacée en si peu de temps. Aujourd’hui, avec l’allongement de l’espérance de vie et la mort à l’hôpital, bien des personnes arrivent à un âge certain, sans jamais avoir rencontré directement la mort, vu et touché une personne dont s’échappe le dernier souffle. La mort est abstraite sur un écran de télévision, ou secrète sous le couvercle d’un cercueil. La bouleversante solidité, opacité de la mort, la chair qui perd instantanément son élasticité et sa chaleur, sont sans doute la manifestation la plus aboutie d’une rencontre d’homme à homme, du vivant et de sa finitude. Bien peu d’entre nous y sont préparés », écrit Catherine Ollivet.
Ollivet C. « C’est terrible, vous savez madame, de souhaiter la mort de sa mère ». Fin de vie et maladie d’Alzheimer – Les textes de la consultation. Novembre 2012.
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