EHPAD : l’univers collectif de ceux qui ont « mal vieilli » ou un lieu de vie ordinaire ?
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« Bien vieillir : voilà la solution pour la grande vieillesse qui n’aura qu’à bien se tenir pour ne pas se retrouver en EHPAD, avec les autres, coupables d’avoir mal vieilli, ironise Marie-Odile Muller, directrice d’EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). L’ordonnancement des collections humaines n’est pas sans difficultés. On a beau caractériser les résidents par la perte de leurs facultés, ils restent actifs longtemps. Les risques qu’ils prennent pour continuer à vivre perturbent familles et institution. Quant aux déments, ils sont subversifs et débordent les cadres de la bonne conduite. Sécuriser est donc devenu le grand principe qui chapeaute les pratiques, quitte à glisser dans le sécuritaire, sous couvert de sécurité sanitaire, sécurité alimentaire, sécurité des biens et sécurité des personnes. Quant à la sécurité intérieure dont on peut imaginer qu’elle est nécessaire pour aborder la fin de sa vie, elle est reléguée aux faux-semblants ». Pour la directrice, « l’hébergement est collectif, l’environnement humain est professionnel et les prestations d’aide sont produites par une entreprise lucrative ou non lucrative dont la qualité principale est de permettre à une microsociété d’usagers de s’établir et de vivre. L’admission en EHPAD démontre tous les jours que ceux que l’on désigne dépendants, malades et incapables font preuve de force et de performance alors qu’ils supportent dans le même temps le séisme de la rupture avec l’indépendance et l’intégration à l’univers collectif. Malgré leurs handicaps, ils apprennent les règles institutionnelles, les normes de comportements propres au groupe de résidents, les règles et les subtilités des relations avec les professionnels. Souhaitons que ces compétences servent leurs désirs de vivre ici, maintenant et ensemble plutôt qu’elles ne s’étiolent dans la survie. Les EHPAD ont besoin d’une médecine de la personne pour devenir des lieux de vie ordinaires accueillant des personnes singulières occupées à vivre le temps extraordinaire de leurs derniers jours ».
Les Cahiers de la FNADEPA, décembre 2012.