Enfermement : évolutions sémantiques et technologiques

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
15 janvier 2013

« S’agissant de personnes majeures, le terme de fugue devrait être banni par les professionnels », estime le sociologue Michel Billé, membre du comité scientifique de l’Espace national de réflexion éthique sur la maladie d’Alzheimer (EREMA), pour qui « l’image négative de la vulnérabilité ne doit pas entraîner de confusion entre dépendance et privation d’autonomie ». « Ce n’est pas parce qu’on ignore le but poursuivi par un résident, qualifié de dément déambulant, qu’il erre pour autant sans raison. À nous de nous joindre à lui et d’essayer de comprendre ce qui le met en mouvement. De la même manière, l’enfermement est désigné de façon plus subtile. Ainsi, on ne parle plus d’unités fermées pour malades d’Alzheimer, mais d’unités spécialisées sécurisées : c’est rassurant pour l’entourage et plus acceptable pour la société ». Et pour fermer les portes ? « Autrefois, il y avait des serrures. On est passé au digicode. C’est commode : plus besoin de cacher des clés, et le code est immatériel. Le bracelet électronique ? « On prétend humaniser l’enfermement grâce à la sophistication technologique, mais la personne devient son propre geôlier. C’est insupportable ! En viendra-t-on à injecter des puces sous la peau ? La traçabilité se substituera alors à l’identité. L’angoisse majeure des directeurs, des professionnels comme des proches semble être qu’il se produise quelque chose. Dans une unité fermée, il n’arrivera certes rien de fâcheux. Mais rien de bon non plus ! On s’acharne à éloigner la mort, au point de tuer la vie. Mais si on ne peut plus prendre de risques au motif qu’on est rentré en institution, c’est que les établissements ne sont pas des lieux de vie », fustige le sociologue.

Direction(s), février 2013.