Identité communautaire (7)
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
« La migration a un impact très fort sur les rapports intergénérationnels », explique Claudine Attias-Donfut. « En la matière, deux thèses s’opposent. Selon la première, il existe un fossé entre générations en raison de la différence d’acculturation à la société moderne : les jeunes deviennent plus individualistes, adhèrent à la modernité, s’écartent des normes traditionnelles auxquelles les parents sont toujours attachés, ce qui entraîne des conflits entre générations. Selon la seconde thèse, les familles immigrées sont plus solidaires que les autres du fait de valeurs familiales plus fortes – respect de la tradition, piété filiale – et du besoin accru de trouver refuge et protection dans la famille face à un environnement parfois hostile. Aucune de ces deux thèses n’a été vérifiée par les enquêtes empiriques : les conflits entre générations et la solidarité familiale ne concernent pas plus les familles d’immigrés que les autres. La solidarité chez les immigrés prend la forme, comme pour la population générale, de transferts financiers au sein des générations qui sont un effet direct de la protection sociale et du bénéfice des retraites. Chez les immigrés, la solidarité se manifeste de plusieurs façons. D’abord, par des envois d’argent à la famille restée au pays, surtout aux vieux parents, qui les ont parfois aidés à partir et dont le niveau de vie est généralement très bas. Pour des immigrés dont les revenus sont généralement peu élevés, cela limite d’autant la possibilité d’aider les enfants présents en France à faire des études ou à démarrer dans la vie. Pourtant ces aides sont un facteur de réussite des études. Ensuite, les enfants d’immigrés aident beaucoup leurs parents et interviennent même plus jeunes que les enfants du pays d’origine. Éduqués à l’école française, mieux à même de maîtriser la langue et de décoder la société, ils se posent comme médiateurs entre la famille et celle-ci. Après avoir été aidés par leurs parents, ils leur apportent à leur tour une aide tant sur le plan matériel que pour les démarches administratives et les soins. Les immigrés gardent souvent des liens importants avec leur pays d’origine. Ce double attachement a été très bien étudié à l’aune des notions d’identité et de citoyenneté. Des attachements pluriels sont possibles. Néanmoins, les immigrés transmettent rarement, sinon jamais, à leurs enfants leur propre attachement à leur pays d’origine, et encore moins leur sentiment d’appartenance, si bien que ces derniers ont souvent un rapport distancié au pays d’origine et se sentent surtout appartenir au pays dans lequel ils vivent ».
Assemblée nationale. Mission d’information sur les immigrés âgés. Compte rendu n° 6. 21 février 2013. www.assemblee-nationale.fr/14/cr-mimage/12-13/c1213006.asp (texte intégral).