Maladie d’Alzheimer : est-il nécessaire de modifier le droit ? (1)

Acteurs de l'écosystème Alzheimer

Date de rédaction :
16 avril 2013

Didier Guével, professeur de droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris 13 Sorbonne Paris Cité, rappelle que le débat juridique entourant la maladie d’Alzheimer intéresse non seulement le Code et le Droit civils, mais aussi le Droit de la santé, le Droit de la sécurité sociale, le Droit pénal ou le Droit de la consommation. « Le Droit, dans nos sociétés contemporaines, semble constituer, aux yeux de certains, une panacée au point de ressembler de plus en plus souvent à un placebo (thérapie d’apaisement des affections du corps social) ou, pire, s’apparenter à un effet nocebo [effets indésirables bénins, d’origine surtout psychologique, après administration d’un médicament inactif ou qui ne peut lui-même produire ces effets]. Le juriste doit savoir raison garder et accepter de s’effacer si une difficulté peut trouver d’autres solutions que juridiques. De plus, le droit sort du fait. Les incertitudes actuelles du fait scientifique ne peuvent qu’inciter le juriste à la prudence. S’il faut envisager des règles juridiques, encore faut-il qu’elles intègrent l’hypothèse hautement souhaitable de la découverte d’une thérapie efficace », écrit le juriste.  « La législation française tend vers l’idéal de solutions “sur mesures”, vers une sorte de “dentelle” juridique et médicale réalisée artisanalement pour chaque cas. Pour autant, cet idéal rencontre vite ses limites ; il nécessite beaucoup de temps pour adapter et mettre au point la solution ad hoc ; or, lorsque l’on a enfin la solution, la maladie a souvent évolué, quand le malade n’est pas déjà décédé ; il nécessite beaucoup d’argent, ne serait-ce que parce qu’un personnel pléthorique est nécessaire ; or, la situation financière actuelle des États n’incite guère à la réalisation des dépenses nécessaires. Il y a donc une évidente contradiction entre la législation et le besoin médical (tendant vers une approche différenciée et personnalisée) et la faiblesse des moyens financiers alloués aux magistrats, aux médecins et à tous les services sociaux dédiés ». « Le législateur devrait avoir la modestie de s’effacer, toute intervention de sa part risquant d’avoir un effet plus nocif (voire pernicieux) que bénéfique. Mais en l’état, le recours au juriste, faute d’éradication de la maladie, semble utile.  À la limite du juridique et du non-juridique, il faudrait multiplier les réflexions pluridisciplinaires en les ouvrant encore plus à d’autres spécialités », estime Didier Guével.

Guével D. La maladie d’Alzheimer et le Droit : Quelques propositions… Espace national de réflexion  éthique sur la maladie d’Alzheimer. Avril 2013. www.espace-ethique-alzheimer.org/ressourcesdocs_ethiquedusoin_maladiealzetledroit.php.