Les aidants en activité professionnelle : des travailleurs sous pression
Acteurs de l'écosystème Alzheimer
Arnaud Campéon et Blanche Le Bihan, chercheurs à l’École des hautes études en santé publique de Rennes et au centre de recherche sur l’action publique en Europe (CRAPE, UMR 6051), s’appuient sur des travaux empiriques portant sur les aidants exerçant une activité professionnelle et jouant un rôle de soutien auprès d’un ou plusieurs parents âgés dépendants : d’une part, l’étude WOUPS (Workers under pressure and social care), financée dans le cadre d’un programme blanc de l’Agence nationale de la recherche (programme ouvert à toutes les disciplines scientifiques et ayant pour but de « donner une impulsion significative à des projets scientifiques ambitieux qui se positionnent favorablement dans la compétition internationale et qui présentent des objectifs originaux, en rupture avec les itinéraires de recherche traditionnels ») ; d’autre part, l’étude « Trajectoires de maladie de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer : du diagnostic à l’identification des besoins et de leurs conséquences » financée par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Au total, cent quatre-vingt-quatorze entretiens qualitatifs ont été réalisés, dont quatre-vingt-deux en France. Les contraintes auxquelles sont confrontés les aidants sont plus ou moins fortes selon les situations, et peuvent être classées en trois registres distincts : des contraintes associées à l’aidant et aux particularités de sa situation ; des contraintes concernant directement la personne aidée ; des contraintes organisationnelles liées à l’offre médico-sociale. La pression diffère selon les individus. « Ce qui est en jeu dans cet écart d’attitude dépend de l’importance accordée, et plus précisément de l’idée que chacun de fait de son réseau, de sa vie familiale et professionnelle, de son environnement et plus encore, de sa vie », écrivent les sociologues.
« L’analyse des différentes situations d’aidants montra ainsi combien les contraintes doivent nécessairement être replacées dans un contexte, et plus précisément dans une histoire de vie qui va, selon les situations, renforcer ou au contraire alléger le sentiment de pression qui leur est potentiellement concomitante. » « Les idéaux et les normes concernant le rôle d’accompagnant interviennent aussi dans la perception des contraintes. Et c’est plus précisément l’écart par rapport à un idéal potentiellement devenu hors d’atteinte, celui d’un accompagnement sous contrôle et équilibré par exemple, qui doit être investigué pour cerner le poids que leur donnent les individus. »
Campéon A et Le Bihan B. Des travailleurs « sous pression » : logiques d’engagements et pratiques du care auprès de proches âgés en situation de dépendance. Gérontologie et société 2013 ; 145 : 103-117. Juin 2013.